Morvan a écrit:Relis bien ses messages et ses mails, il y en a bien moins que dans le message caricatural qu'on a pu lire.
Hélas, pas si caricatural que cela, ce message ! Je t'en ressort des tonnes du même niveau, si tu veux ! C'est tout le problème : ce "style" de charabia totalement déstructuré devient la "norme sociale". D'accord avec YanShe : ils ignorent jusqu'à leur ignorance, ils n'ont jamais acquis la moindre notion de leur langue, qui est d'abord une langue
écrite (en français, langue littéraire par excellence, on parle comme si l'on écrivait, on
voit ce que l'on dit, et la diction en témoigne). Et ils ont perdu bien plus encore, car ce n'est pas qu'une question de méthode de lecture, globale ou "semi-globale", c'est la façon "pédagogiste" de faire dans tous les domaines qui a tout détruit (pour le dire brièvement, car cela mériterait d'amples développements).
Je me permets un conseil, pour ceux qui restent attachés à leur langue : un livre subtil, amusant, et qui permet d'apprendre beaucoup de chose, un vrai plaisir de lecture :
De quel amour blessée, Alain Borer
Tenez, un extrait pour ceux à qui cela pourra plaire (sur la question du rapport entre notre langue et l'anglais) :
« [...] on admet la conquête normande, certes, et l’on sait folkloriquement que la famille royale parle français (« Honi soit qui mal y pense, Dieu et mon droit… »), et l’on se représente l’anglais comme une langue merveilleusement composée de toutes les langues du monde ; or le
fait est que the
fact, tangible, vérifiable, objectivé, le plus grand nombre des Anglo- Saxons ignore massivement ceci, ces chiffres- là, précisément :
qu’ils parlent 63 % de mots français, utilisent 37 000 mots français, sans oublier la dette grammaticale.
Qu’un tel
fait de société (doublé d’un fait politique majeur : la fondation de la monarchie anglaise par la famille royale française) soit l’objet d’un si vaste refoulement, cela ne laisse pas de surprendre de la part d’une culture préoccupée de
matter of facts ; et qui massivement refuse de savoir qu’elle a parlé français et non pas « normand », en somme de se connaître (et de nous connaître). L’anglais procède de la langue française « comme » le français procède du latin (encore qu’il ait reçu la langue française
clés en main ). Que serait la culture française si elle avait refusé de connaître sa source latine, au XVII e siècle notamment ?
Né d’une fusion française, l’anglais s’en est ainsi désamouré. Comme certains couples séparés, les Anglo- Saxons préfèrent oublier ce qu’ils ont partagé. Mais enfin, cette énormité : que cela ne soit
jamais enseigné comme tel, et dans ces chiffres factuels (63 %, 37 000), constitue typiquement un symptôme : on ne veut pas le savoir. On trouve quelque grand intérêt à ne pas le savoir. Il y a sur ce point une forclusion de la culture anglo-saxonne, que transporte l’
englobish : ainsi coïncident les deux symptômes : le
refus de savoir (que l’on procède de l’autre langue) et
l’hégémonisme (comme désir de substitution totale à l’autre langue).
L’oubli volontaire et collectif du passé constitue bien des peuples, à travers d’immenses accrocs, d’immenses accords. Ainsi entend-on ces phrases- là aux États-Unis d’Amérique (relevées par dizaines, telles quelles, en dix ans de séjour…) : «
How do you say torrid
in French ? », «
Do you have a word in french to say flegmatic ? », «
Do you know what demand
means ? », «
In english we say : euphemism ,
and you in French ? », «
We say retire, pension, depart,
and you ? », etc., etc. appelant pour toute réponse la billevisée attribuée à George debeuliou Bush : « T
he problem with the French is that they don’t have a word for entrepreneur. »
De quel amour blessée - Réflexion sur la langue française Alain Borer
Qui vit sans folie n’est pas si sage qu’il croit. (La Rochefoucauld)