Voilà enfin, comme promis, un nouveau petit exposé sur l'exploitation d'un réseau et sur les manoeuvres. D'autres devraient suivre (mais à 7-10 jours d'intervalle minimum, en espérant que ma petite vie de retraité va se calmer un peu...)
Desserte (2)Une fois choisies les diverses industries clientes de votre réseau (diverses possibilités ont été suggérées lors du premier épisode sur la desserte marchandises, posté ici le 14 mai dernier) il reste encore à organiser le trafic propre à chacune de ces industries. C’est-à-dire surtout le type et le nombre de wagons utilisés pour acheminer les marchandises reçues ou expédiées par ces industries.
Pour le type de wagons, ce n’est en général pas trop difficile. Une usine d’embouteillage d’eau minérale, par exemple, utilisera essentiellement des wagons plats bâchées, genre Rils pour l’époque V ou VI, aussi bien pour recevoir les bouteilles vides que pour expédier les pleines. Une scierie recevra des grumes sur wagons plats à bogies et à ranchers tels que des Roos et expédiera ses planches dans divers types de wagons : des plats ou des couverts, selon que ce bois doit être protégé ou non des intempéries. Parfois dans des wagons tombereaux. C’est en tout cas ces derniers qui seront utilisés pour expédier la sciure.
Un peu de recherche ou bien vos connaissances sur quelques industries particulières seront vos meilleurs guides pour choisir les types de wagons appropriés à chaque cas. Et quelle que soit l’industrie, vous pouvez toujours lui envoyer un wagon couvert occasionnel (type G ou Hbbis) pour la réception de petit équipement divers nécessaire à la bonne marche de l’usine.
Pour organiser ou plus précisément gérer ce trafic, diverses méthodes sont possibles. On peut par exemple opter pour un trafic fixe et régulier : la coopérative agricole recevra deux wagons trémies chargés d’aliments pour animaux chaque jour (à enlever vides le lendemain) ; le ferrailleur recevra quant à lui trois wagons tombereaux vides qui repartiront chargés de ferraille, etc. C’est la méthode la plus simple mais, d’une part elle n’est pas très réaliste, ne tenant aucun compte des variations régulières ou saisonnières, d’autre part elle donne un trafic identique d’un jour à l’autre et bien vite ennuyeux car les manœuvres deviennent alors vite répétitives.
A peine plus compliquée, la méthode d’un choix plus ou moins aléatoire, ou ad lib, selon l’humeur du moment, donnera les variations voulues, mais elles seront justement trop variables et donc peu réalistes elles aussi. Il faut trouver un moyen terme.
Les américains ont depuis longtemps résolu le problème à leur manière en créant un système de « fiches wagons ». A chaque wagon disponible sur le réseau est attribué une fiche sur laquelle sont portés ses marquages principaux (compagnie ou administration propriétaire, immatriculation, type,…) Cette fiche suit en permanence le wagon au cours de ses pérégrinations à travers le réseau. Elle est par ailleurs accompagnée d’une fiche de « mission » (associée à la fiche wagon au moyen d’un attache-lettre ou dans une pochette en plastique transparent) sur laquelle sont données l’origine et la destination du wagon avec, pour faire plus réaliste, le chargement transporté (ou la mention « vide »). Cette fiche de mission comporte en général au moins deux trajets (un au recto, l’autre au verso) et souvent même quatre (avec deux trajets sur chaque face, disposés tête-bêche). Une fois les missions portées sur la fiche de mission effectuées, celle-ci peut être remplacée par une nouvelle ou être directement réutilisée.
Cette méthode semble bien fonctionner (je l’ai utilisée quelque temps sur mon réseau, au début) mais d’une part elle est lourde, nécessitant la manipulation constante des fiches wagons qui doivent accompagner le train de desserte, en particulier lors des manœuvres. D’autre part elle n’est utilisable que si tous les wagons sont disponibles sur le réseau, car quand il faut aller pêcher un wagon déterminé (identifié par son immatriculation) dans les bacs où tous les wagons en réserve sont stockés, c’est une vraie galère ! Et enfin, s’il fallait un troisième argument pour justifier une autre solution, je trouve qu’elle ne correspond pas vraiment à la gestion du trafic marchandises telle qu’elle se pratique dans la réalité.
Cette autre solution, que j’applique sur mon réseau depuis maintenant quelques années et qui me donne bien plus de satisfactions, repose sur le principe des fiches de « commande ». Les fiches ne sont plus liées aux wagons mais aux industries desservies. Ainsi un certain nombre de fiches (par exemple au format 10x15 ou A6) sont attribuées à chaque industrie ou à chaque embranchement particulier. Et chaque fiche correspond à la commande d’un wagon (vide ou chargé, selon le cas). A la limite une fiche peut correspondre à une commande groupée de deux ou trois wagons (types et chargements identiques) mais cela n’apporte rien de plus et je n’ai plus que deux ou trois telles fiches de commande groupée sur un total de 70 fiches pour 5 embranchements. Lorsqu’une fiche de commande est utilisée il suffit de trouver un wagon du bon type, pas nécessairement un wagon spécifique.
Pour mieux comprendre le fonctionnement du système, la photo suivante montre une fiche de commande prise au hasard parmi les 70 que j’ai créées.
Décrire le contenu de cette fiche en détail nous entraînerait trop loin et ne serait pas vraiment utile, chacun pouvant établir ses fiches selon ses propres critères. Je peux le faire dans un article séparé si certains sont intéressés. Le point le plus important est sans doute qu’une telle fiche peut servir 12 fois (chacune des 12 lignes du tableau correspondant à une mission) : comme en moyenne une fiche est « tirée » de la réserve tous les 8 à 10 « jours » d’exploitation, ce qui, en temps réel, correspond à un peu plus d’une fois par an, la durée de vie est estimée à environ dix ans. Je précise bien « estimée » parce que jusqu’ici, en cinq ans d’utilisation de ce système, aucune fiche n’a encore été entièrement remplie.
Quand j’évoque la réserve, c’est de la boîte illustrée sur la photo suivante que je veux parler. C’est là que sont classées toute les fiches, en quatre paquets distincts. Le premier contient les fiches correspondant aux wagons présents sur les divers embranchements du réseau, c’est-à-dire aux commandes « en cours ». Le second est destiné aux fiches de wagons en cours d’acheminement par le train de desserte. Le troisième est un paquet « report » qui n’est utilisé qu’occasionnellement pour ranger temporairement les fiches dont la commande ne peut pas être effectuée tout de suite (type de wagon indisponible, manque de place sur l’embranchement destinataire, etc.) Le quatrième paquet, enfin, le plus gros, est la réserve proprement dite, là où sont stockées les fiches non utilisées et dans laquelle sont prises quelques fiches (de 5 à 9) pour former le train de desserte.
Un aspect important du système est que les fiches ne sont sorties de leur boîte que pour les opérations « administratives » de base : sélection d’une commande (fiche), attribution d’un wagon approprié (numéro en première colonne), et relevé des étapes successives de la mission au fur et à mesure qu’elles ont été effectuées. A aucun moment je ne m’embarrasse d’un paquet de fiches encombrant (ni d’une loupe pour déchiffrer le numéro d’immatriculation sur chaque wagon pour déterminer à quelle fiche il correspond). Pour savoir à tout instant (en particulier pendant les manœuvres) la destination de chaque wagon, celle-ci est codée au moyen d’une petite pastille colorée fixée à une extrémité de ces wagons, comme le montre la photo suivante.
Les pastilles vertes indiquent que les deux wagons doivent être livrés sur l’embranchement de la firme Påkar Bells : cette couleur est d’ailleurs reprise en haut des fiches de commande pour cet embranchement (voir la première photo, plus haut). Les deux céréaliers en bas à gauche, pourvus d’une pastille jaune, doivent être livrés sur l’embranchement de la firme agricole Armataffet, qu’on aperçoit en bas à droite. Il reste donc encore bien du boulot à faire. Mais pas de souci, ce sera fait dans les temps, sans se casser la tête et sans se noyer dans la paperasserie. (Regarde, Maman, rien dans les mains !)
bw