En balade sur les embranchements militaires

[Rockandrail]

Une fois n'est pas coutume, voici une petite balade photographique sur les anciens embranchements militaires du réseau de banlieue St-Lazare.

Petite mise en situation

Au sortir de la gare St-Lazare, le faisceau de voies quitte Paris par la tranchée des Batignolles, longe ce qui reste du dépôt des Batignolles et franchit la limite administrative de Paris aux abords de la porte d'Asnières. Ensuite, sur 3 km, les voies séparent les communes de Levallois-Perret à gauche et de Clichy à droite avant de franchir la Seine au niveau du Pont d'Asnières.
Immédiatement après le pont, la gare d'Asnières sur Seine sépare le faisceau en deux branches principales:

- les grandes lignes et la banlieue "Argenteuil" se dirigent à droite vers la gare de Bois-Colombes.
- Les banlieues "Versailles" et "Nanterre-Cergy" (anciennement St-Germain) se dirigent à gauche vers la gare de Bécon les Bruyères qui sera le pivot de notre balade.

Nous allons aujourd'hui nous intéresser à ce tronçon qui, une fois atteinte la gare de Bécon, se sépare à son tour en deux branches: celle de gauche poursuit par la Défense jusqu'à St-Cloud puis Versailles Rive Droite et celle de droite rejoint Nanterre-Université via les gares des Vallées et de la Garenne-Colombes, pour gagner en bout de ligne Maisons-Laffite ou Cergy Pontoise.

Le plan ci-dessous nous montre la dispersion du faisceau à partir d'Asnières:

Lorsque le réseau s'est étoffé à la fin du 19è siècle, l'armée a souhaité que toutes les ramifications successives puissent être reliées entre elles sans avoir à rejoindre le tronc commun en amont d'Asnières. C'est ainsi que plusieurs embranchements ont vu le jour. Non électrifiés, ces embranchements ont connu des fortunes diverses. Certains ont été déferrés, d'autres sont encore fonctionnels bien que de moins en moins empruntés. C'est le cas de celui auquel nous allons nous intéresser aujourd'hui: celui qui relie la branche"Versailles" depuis la gare de Bécon les Bruyères à la branche "Nanterre" à la gare des Vallées. Celui-ci permet à un train venant de la Défense de rejoindre la ligne de Nanterre.

1ère partie: de Bécon les Bruyères aux Vallées

Courant derrière les petites rues et avenues de cette banlieue très dense, l'embranchement est parsemé d'une multitude de passages à niveau, distants de 150 à 200 m chacun, qui vont servir de bornes à notre balade, et relie deux quartiers: celui de Bécon les bruyères, notre point de départ, à celui des Vallées, notre arrivée. Ces deux quartiers possèdent leur gare mais ne sont pas des communes. Ils sont distribués sur au moins 5 d'entre elles: Courbevoie, Asnières, Bois-Colombes, Colombes et la Garenne-Colombes. Nous allons sur quelques centaines de mètres changer plusieurs fois de commune.

Sur plan annoté ci-dessous, nous trouvons marqué l'emplacement des 5 PN que nous allons traverser.

Nous partons de la Place Sarrail à Courbevoie-Bécon ((1) sur le plan). La gare est dans mon dos. Nous sommes de toute évidence en très proche banlieue parisienne et les immeubles sont typiques des années 1910-1930 qui ont vu le développement de ces quartiers:

Place Sarrail à Courbevoie-Bécon

Pour traverser la gare, il y a à 100 à ma droite un pont routier que nous allons rejoindre bientôt et un passage souterrain que j'emprunte. J'en ressors par le BV de Bécon-les-Bruyères, encore sur la commune de Courbevoie.
Ce BV est typique de toutes les gares de ces lignes. Sur le plan historique, nous nous trouvons sur l'emprise de la première ligne de chemins de fer voyageurs de France: la ligne de Paris à St-Germain en laye, abandonnées par la SNCF sur son parcours après Nanterre lors de la mise en service du RER en 1969.

BV de Bécon les Bruyères

Laissant le BV derrière nous sur notre gauche, nous arrivons à hauteur du pont routier qui enjambe tour à tour les deux faisceaux de voies, vers Versailles et vers Nanterre. Il n'y avait ici encore quelques années auparavant qu'une barrière en ciment à hauteur de taille. La stupidité croissante des bipèdes humanoïdes forçant à cloturer les emprises, il fleurit des clotures partout.

Partie du pont enjambant le faisceau Nanterre

Encore une centaine de mètres pour atteindre le pied de rampe du pont. Je prends la photo à Bois colombes. Si je traverse tout droit, je regagne Courbevoie. Un pas à gauche et j'entre à Asnières. 22!

Avant d'attaquer le coeur de la balade, je cherche l'inspiration...et je la trouve:

Bientôt la suite!

[bogie-wogie]

Compte-moi parmi ceux qui attendent la suite

bob

[Papou89]

Bonjour,
Et moi aussi, c'est le coin de mon enfance !
Il y avait une passerelle, entre la gare d'Asnières et celle de Bois-Colombes (rue Flachat ?), je courrais me placer au milieu, au-dessus des locos à vapeur de l'époque. Ah, l'odeur de la fumée...

[Rockandrail]

J'ai fait des corrections car j'avais mal orthographié "balade" = promenade, alors que "ballade" = poème.

Reprenons donc notre balade.

Le pont sur lequel nous nous apprêtons à monter s'appelle "rue de Bois-Colombes". Nous nous avançons jusquà hauteur du point (1) sur le plan, au dessus du faisceau de voies venant de la Défense et nous regardons la gare de Bécon vers l'est, en direction de Paris:

On reconnaît le BV en haut à gauche de la photo, vu cette fois-ci du côté des quais. On voit également la bifurcation se former un peu en amont du BV. Le matériel en gare est typique de ces lignes: ce sont des Z 6400, rame automotrices construites en 1976-77 par Alsthom et motorisées par Oerlikon. Jusqu'en 1977, les lignes étaient desservies par les automotrices standard prenant leur courant -continu- par un troisième rail. Aujourd'hui, le réseau est en 25 KV 50Hz. En dehors de quelques Z2N sur la branche Nanterre, les Z 6400 constituent le seul matériel à circuler à Bécon. A l'origine, ces rames étaient bleu nuit et alu. Elles ont progressivement revêtu la livrée Transilien dans les années 2000. Leur confort est très correct pour du matériel banlieue. Elles sont par contre très mal ventilées. On y gèle en hiver et l'on y cuit en été.

Si l'on élargit un peu la vue, on découvre un embranchement qui rejoint la cour des marchandises, car Bécon possède encore sa halle et son faisceau de voies de débord:

Tournant le dos à la gare, nous traversons la chaussée du pont et portons maintenant notre regard vers l'ouest, en direction de la Défense (point (2) du plan):

sur la gauche, le faisceau de la branche St-Cloud-Versailles-St-Nom. Sur la droite, le faisceau de débord et la halle. Au fond, dans l'alignement des voies St-Cloud, nous apercevons la tour T1 avec son sommet arrondi. Celle-ci ferme la dalle de la Défense côté nord est. L'embranchement militaire qui nous intéresse aujourd'hui se détache du faisceau de débord juste en amont du pylone qu'il longe par la droite. Caché par l'extrémité de la halle, nous ne voyons pas le PN1 indiqué sur le plan.

Le faisceau de débord est étonnamment vide au moment où je passe pour la photo. Il y a là très souvent des wagons plats au crochets de locotracteurs SNCF, voire de BB 63500, et de temps en temps des V100 Meccoli.
Elargissant également la vue, nous découvrons un petit immeuble tout juste construit situé à la place d'un autre faisceau de débord et d'une ancienne halle détruite il y a peu:

Rebroussant chemin sur le pont, en restant sur le trottoir ouest, nous atteignons l'autre côté de la halle où se trouvent à demeure d'anciennes voitures métallisées artistement décorées par des jeunes en difficulté:

Comme le rappelle le panneau, je ne peux pas entrer dans cette enceinte pour aller photographier le PN1 qui n'en est plus tout à fait un car il a été soustrait au domaine public pour être inséré dans l'emprise SNCF.

Reprenant notre marche vers le nord, nous surplombons maintenant la branche "Nanterre" de la ligne vue du côté est (point (3) du plan). Nous somme au droit du BV dont nous somme partis, exactement sur la partie du pont photographiée plus haut. C'est cette branche vers Nanterre, qui part en tranchée, qui va être rejointe par l'embranchement militaire parti de derrière la halle de Bécon. Sans surprise passe une Z 6400.

Nous tournons à nouveau le dos à la gare pour découvrir la tranchée qui plonge sous un pont de part et d'autres de voies de garage avec fosses de visite. Nous les retrouverons un peu plus loin en passant sur ce pont.

On devine sur la gauche de cette photo une énorme excavation. Toute la partie gauche de la photo, y compris les deux immeubles de bureaux modernes, abritait précedemment l'usine Hispano-Suiza dont l'emprise était gigantesque. Cette emprise est aujourd'hui un immense chantier où se bâtit un quartier neuf d'immeubles d'affaires High Tech et de résidences de standing. IBM, pour ne citer que celui là, vient d'y transférer son siège (5000 personnes). Et ce n'est pas fini. L'embranchement qui nous intéresse longe la gauche de cette excavation

En retraversant la chaussée, nous voyons se détacher des voies principales l'embranchement vers les voies de garage de la photo précédente.

Le contexte étant situé, nous pouvons maintenant quitter le pont et regagner la limite d'Asnières, Bois-Colombes et Courbevoie où nous allons retrouver notre embranchement au niveau du PN2, à l'angle de l'avenue de l'Europe et de la rue Raoul Nordling. Pour y parvenir, nous tournons à gauche au bas du pont, sur la commune de Bois-Colombes. Nous apercevons à l'avant de la file de voiture la maison du garde barrière du PN2.

Le café St-Claude est fermé et l'immeuble aux volets clos n'en a plus pour longtemps. Les pelleteuses se rapprochent.

La suite bientôt...

[Rockandrail]

Nous voici sur le pont enjambant la tranchée parallèle au PN2. Nous y voyons les buttoirs des deux voies de garage munies de fosses de visite.

En plan plus éloigné, nous voyons dans le fond le pont "rue de Bois-Colombes" depuis lequel ont été prises les photos de la gare de Bécon.

Dix mètres plus loin, nous voici au PN2. L'embranchement est ici bordé d'immeubles sortis de terre depuis moins de cinq ans.

Sur la gauche de la photo, nous apercevons les talus de terre excavée que nous avons évoqués plus haut.

Et voici l'embranchement qui arrive des voies de débord de Bécon dont nous devinons le profil de la halle en arrière plan.

Nous allons maintenant nous diriger plein nord le long des voies de l'embranchement, d'un PN à l'autre. Nous retrouvons côté nord du PN2 la maison de garde, toujours habitée. La présence d'un passage à niveau historiquement gardé à ce niveau révèle le trafic qu'à dû connaître cet embranchement qui croise à cet endroit une ancienne route nationale.

Le poteau caténaire à l'arrière plan est celui des voies de garage que nous avons croisées.

Empruntons l'embranchement vers le nord. La maison à toit rouge sur la gauche annonce le PN3 qui n'est qu'à 160 m.

Nous avons vite fait de rejoindre le PN3 d'où une vue vers le sud révèle à gauche des voies la maison de garde de tout à l'heure.

[bogie-wogie]

Superbe cette visite guidée !
Les commentaires clairs, précis et détaillés complètent admirablement les photos.

Vivement la suite !

bob

Addition : y a eu comme un petit problème avec le dernier épisode, me semble-t-il... Mais je pense que tu vas rectifier très vite.

[Rockandrail]

Superbe cette visite guidée !
Les commentaires clairs, précis et détaillés complètent admirablement les photos.

Vivement la suite !

bob

Addition : y a eu comme un petit problème avec le dernier épisode, me semble-t-il... Mais je pense que tu vas rectifier très vite.

C'est parce que je refais des éditions dans le fil. Cela bloque temporairement l'accès au post.

[piko30]

Quelle était l'utilité de ces longues fosses de visites?

[Rockandrail]

Poursuivons sans plus tarder vers le PN4 qui n'est qu'à 150 m du PN3. Au passage, je m'aperçois que je ne suis pas le seul à flaner sur le site. En fait, je croiserai beaucoup de monde au cours du périple, y compris des dames avec des petits chiens. L'endroit se transforme tout doucement en promenade de quartier. Et il faut reconnaître que c'est un formidable raccourci car le même trajet effectué en suivant le tracé des rues est au moins deux fois plus long.

Comme on l'aperçoit sur la photo, la tranchée "Nanterre" est ici mitoyenne de l'embranchement:

Ici aussi, les jeunes en difficulté ont laissé libre cours à leur créativité! (Créativité qui permettra aux archéologues de l'an 4000 d'évaluer la taille moyenne de l'espèce au 21è siècle).
Mais nous voici déjà au PN4:

Nous abordons ici la partie la plus rustique du parcours. La vieille grille est encore en place. On s'éloigne petit à petit du foncier mitoyen pour plonger au coeur de la mer pavillonnaire qui caractérise Bois-Colombes.

Les voies s'incurvent pour donner à la balade un petit air de campagne à 5 minutes de la Défense, plus grand centre d'affaires d'Europe. La vue est cette fois prise vers le sud, entre les PN4 et 5

Dans la tranchée parallèle, une oeuvre majeure:

Et puis, tiens? Un Z 6400!

La même tranchée vue vers le sud avec au fond le pont jouxtant le PN4:

a l'endroit précis où est prise la photo, la tranchée croise en souterrain l'embranchement. Les voies de l'embranchement s'écartent pour aller encadrer les voies "Nanterre" le long desquelles elles vont descendre pour les rejoindre en gare des Vallées, à la limite communale de Colombes et de la Garenne-Colombes.

Nous retrouvons les vieilles barrières en ciment. Je fais quelques photos de la voie et d'un ancien passage qui peuvent inspirer des idées d'implantation et de patine pour un réseau:

Sur cette dernière photo, nous regardons vers le nord et l'on aperçoit dans le fond les immeubles du quartier des Vallées, assez semblable dans sa structure à celui de Bécon les Bruyères: des immeubles en brique datant des années 1910 à 1930.

Une vue de la tranchée à l'endroit précis où elle s'engouffre sous l'embranchement:

Mais qu'arrive-t-il? Un Z 6400! On aura tout vu!

Portons nous de l'autre côté du PN5 en direction des Vallées. Nous voyons la tranchée réémerger du souterrain et nous devinons dans les herbes sur la gauche l'une des voies de l'embranchement qui descend vers la gare dont on peut deviner le bout de quai tout au fond après la courbe:

sur le côté droit, la voie est bien dégagée. Derrière la grille verte se trouve une école maternelle le long d'un cheminement pietonnier nouvellement créé. Il emprunte l'assiette de l'ancien prolongement de l'embranchement militaire vers la gare de Colombes. Aujourd'hui totalement déferré, on peut encore en suivre la trace jalonnée de ponts car, à partir du PN5, l'embranchementva se retrouver en surplomb et non plus à niveau. Nous sommes en effet à peu près au centre de la grande boucle de la Seine qui borde Paris par le nord-ouest. Continuant vers le nord, le sol va maintenant s'abaisser jusqu'au niveau du fleuve.

La balade se termine et avec elle, ma modeste contribution à la mémoire du patrimoine ferroviaire des Hauts de Seine nord.

[Le Basque]

Sans repasser une couche de cirage, voila encore une balade bien contée...