un métier: cheminot

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Re: un métier: cheminot

Messagepar Pierre bis
14 Juil 2014, 23:22

François D a écrit:
Undertaker a écrit:Bonjour,
...c’est l’exposition en gare Montparnasse en 1972 où sont présentés (en juin si mes souvenirs sont bons) pour la première fois au public le TGV 001 et la RTG 01.
...



J'avais 11 ans. Je peux te dire que je me souviens parfaitement de cette expo et je ne pense pas être le seul !


Exactement pareil. Même âge et même visité, un peu par hasard au retour d'une expédition parisienne avé ma mère.

Pour moi, une des découverts fut la livrée "160" que je n'avais encore jamais vue. Comme quoi ...
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Pierre bis
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Re: un métier: cheminot

Messagepar Undertaker
15 Juil 2014, 09:37

Bonjour,

Me voici donc arrivé à l’équipe caisse TGV 001. Pour cela, j’ai juste changé de place, « de planche » (à dessin) dans notre jargon, dans un bureau tout en long où nous n’étions pas moins de 25 types : chefs d’études, chefs-dessinateurs, dessinateurs-projeteurs et calqueurs. Je débute en participant à la mise en place de fixations des bavettes en caoutchouc des césures entre caisses. Les mises au point sur le TGV 001 sont nombreuses, et comme le projet de desserte à grande vitesse de la ligne Paris-Lyon se précise, le turbotrain entre dans son vrai rôle de prototype visant à tester les équipements des futures rames commerciales.



La première étude que l’on m’a confiée a été de dessiner plusieurs montages de rotules entre les caisses du TGV 001. Lorsqu’il a été équipé de deux bogies Y 226 (qui donneront naissance aux Y 230 et Y 231 de série) encadrant la remorque de 1ère classe, une désagréable vibration longitudinale est apparue. Les diverses configurations de rotules raidies ou assouplies en X et en Y n’ont jamais vraiment solutionné le problème, simplement de mettre en évidence l’influence d’un changement de paramètre. Ce truc-là a été mis de coté ; heureusement, ce phénomène a disparu sur les rames de série, sûrement à cause de l’homogénéité du tronçon articulé.




Le TGV 001 est équipé de suspensions pneumatiques. Mais suite aux essais avec les bogies Y 226, les rames TGV PSE seront dotées de ressorts métalliques qui sont en vogue avec les RTG et surtout les voitures Corail. Les ingénieurs aimeraient bien pouvoir se dispenser des barres antiroulis sur les TGV. Cet objectif semble facile à atteindre attendu que les ressorts sont logés dans les intercirculations pour lesquels il n’y a pas de plancher limitant la hauteur du plan de suspension. Pour cela, nous allons créer une maquette échelle 1 pour tester l’influence de la hauteur du plan de suspension sur le coefficient de souplesse et de la position du centre de roulis. Le principe est se servir de la remorque de 1ère classe, retirée du TGV pour la circonstance, et de lui adjoindre un véhicule simulant la motrice adjacente afin que le bogie articulé et ses suspensions reçoivent une charge identique à la situation de service.

Mon chef est un type économe, tant dans sa vie privée que professionnelle. Pour cet essai, il a déjà des pistes à suivre. Il m’emmènera à la base d’essais de Mitry où sont entreposés des éléments de la maquette échelle 1 ayant servi à tester la suspension pendulaire hydraulique qui aurait dû équiper le TGV 002, si ce dernier avait existé. Là, il y a (entre autres) un bogie « élémentaire », un bogie de type Diamond, des gueuses de 2400 kg pièce, des tampons, des poteaux caténaire etc….Nous sélectionnerons tout ce qui nous semble utile et il se chargera de tout faire transférer aux ateliers de Villeneuve-Voitures (VVO). Après avoir fait les relevés de cotes de tous ces éléments (forcément les dessins n’existent pas) je suis prêt pour entamer l’étude. Le chariot fausse-motrice est essentiellement constitué de "chutes" de poteaux caténaire. La partie la plus remarquable est l’anneau porteur qui va relier le véhicule fausse-motrice à la remorque TGV. Cet anneau est constitué d’un assemblage de profilés et de tôles dont la mise en œuvre est simple. La grande particularité réside dans le fait que les appuis des ressorts sont démontables et peuvent être retournés pour tester les grands ressorts des remorques et les doubles petits ressorts des motrices et remorques extrêmes des futurs TGV PSE. En outre, la hauteur du plan de suspension est placée à 2,3 m au-dessus du rail et, par un jeu de cales, on peut faire varier la hauteur du ressort. Ce sont les ateliers de Villeneuve-Voitures qui se chargeront de la réalisation des pièces et du montage de l’ensemble.

L’attelage sera instrumenté par la section d’essai MED qui lui adjoindra une voiture de mesures pour les essais sur la « voie des gauches » de la base de Villeneuve. La traction du convoi est assuré par une BB 63000 depuis le dépôt jusqu’à la base d’essais. Nous testerons cinq hauteurs de plan de suspension avec à chaque test une mesure en dévers de 100, 200 et 300 mm. L’ensemble des relevés permettra de tracer des abaques bien utiles pour les passages au gabarit alors que précédemment, on ne se reposait que sur des valeurs forfaitaires indiquées par la fiche UIC 505, notamment en ce qui concerne la hauteur de l’axe de roulis.





A+

UTKR.
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Re: un métier: cheminot

Messagepar Morvan
15 Juil 2014, 12:26

Sur la rame 001, je me souviens d'un voyage mémorable avec l' AFAC en avril 1975 :
nous avons fait un parcours à bord lors des essais de passage sur les aiguillages dans la zone de Licaugas dans les Landes.
on roulait quand même à 285 Km/h.
et au retour à Bordeaux, il y avait la 7003 avec sa face avant qui préfigurait celle des Sybic.
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Re: un métier: cheminot

Messagepar XTof_vl
15 Juil 2014, 12:30

Les pattes d'eph et la moustache... Tout une époque! Merci pour ce superbe reportage.

A noter que j'ai été voir sur Wikipedia la définition de cheminot...

http://fr.wikipedia.org/wiki/Cheminot

On y parle bien de personnes employées par les chemins de fer. Mais les métiers cités sont limités aux métiers en prise directe avec la voie et le service. Bref, deux visions différentes dans un même article Wikipedia.
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Re: un métier: cheminot

Messagepar François D
15 Juil 2014, 13:39

Salut 2B,

Il y a quelque chose de frappant dans tes anecdotes, c'est la part de "bidouillage". Je dis cela sans aucune malice péjorative. Je suis étonné par ce côté expérimental qui semble être de mise chaque fois qu'une idée est proposée: on essaie avec les moyens du bord, on expérimente et on valide après.

Je n'évolue à titre personnel absolument pas dans la technique et je m'attendais plus, à te lire, à ce que l'essai en grandeur nature ne soit là que la toute ,toute dernière étape, seulement pour valider différentes options, étudiées longuement, calculées sur le papier.
La technologie ferroviaire m'apparait maintenant beaucoup plus comme une technique très expérimentale avec des "joujoux" de quelques centaines de tonnes qu'on balance à pleine vitesse.

Merci en tout cas de prendre tout ce temps pour relater tous ces souvenirs passionnants.
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Re: un métier: cheminot

Messagepar Rodolphe
15 Juil 2014, 13:48

C'était vrai dans de nombreux domaines, y compris l'aéronautique par exemple. Beaucoup de recherches empiriques et essais qui en étaient vraiment.
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Re: un métier: cheminot

Messagepar XTof_vl
15 Juil 2014, 14:20

Relativisez un peu: 95% du travail en bureau d'études est réalisé et ensuite quelques essais, quelques problèmes modifient quelque peu le résultat, parfois de manière remarquable. Mais 95% est bon du premier coup.

Et dites-vous bien que c'est cela qui a fait le système D à la française. A une époque, cela valait de l'or en barre.
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Re: un métier: cheminot

Messagepar Undertaker
15 Juil 2014, 14:22

En réponse à:
- XTof_vl, je dirais que le terme "cheminot" va bien au-delà des définitions que l'on puisse lui attribuer, sur le net ou dans les dictionnaires. Pour moi, il correspond à un corporatisme et surtout à une attitude: celle qui date depuis l'avènement de ce moyen de transport complexe, celle que l'on m'a inculquée à la SNCF et celle qui -à mon gout- l'on a cherché à mettre à mal depuis peu.
- François D: effectivement, aux chemins de fer, que ce soit au niveau de l'infrastructure ou du mobile (chez les exploitants et chez les industriels), il y a toujours eu de grands ingénieurs, de chez qui émanaient de grandes idées, mais qui ont toujours voulu valider l'idée par l'essai.
Je souhaite aussi modérer le terme "bidouillage": sais-tu que la rame TGV PSE 01 a parcouru ± 5000 km à 260 km/h durant une année de circulations en essais et en vérifications des performances en plaine d'Alsace, ce qui correspond au kilométrage parcouru par les TGV PSE commerciaux sur LGV durant la première journée de la mise en service de l'exploitation.

A+ pour la suite...
2B.
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Re: un métier: cheminot

Messagepar Papou89
15 Juil 2014, 14:45

François D a écrit:...à ce que l'essai en grandeur nature ne soit là que la toute ,toute dernière étape, seulement pour valider différentes options, étudiées longuement, calculées sur le papier...


:vieux: Ne pas mélanger les époques : Aujourd'hui, quand un constructeur de voitures, de train, ou d'avion procède aux premiers essais physiques, il sait que son proto fonctionne comme il le souhaite, l'informatique le lui a assuré.... L'essai n'est là que pour confirmer, voire rassurer le personnel.

En était il de même il y a 40 ans ? Un talentueux ingénieur imaginait une solution, un atelier la fabriquait, et enfin il fallait la tester... Aucun ordinateur n'avait prédit l'efficacité de cette solution ! Et si ça marchait pas, on recommençait...

Heureuse époque où l'intelligence et l'expérience de l'homme supplantaient ces maudits ordinateurs !... :diable:

Et où on connaissait le plein emploi !
Michel.

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Re: un métier: cheminot

Messagepar Undertaker
15 Juil 2014, 18:37



Mon bureau était au 4ème étage dans les locaux du 15 rue Traversière, là ou il y avait (essentiellement) tous les gens des caisses (sauf voitures) les gens des bogies et ceux des moteurs thermiques. Par des collègues de bureau des locomotives électriques de l’ex DETE, j’ai appris qu’au 1er étage, aux « relations publiques – assistance technique », exerçait un certain Jacques Beffara, qui partageait son bureau avec Michel Lamarche. De temps à autres, je m’échappais des études pour aller frapper à leur porte. Ces deux « illustrateurs ferroviaires » étaient de vrais techniciens avec la touche artistique en plus. Michel Lamarche savait « tenir le pinceau » et travaillait pour le musée du Chemin de Fer avec Michel Doerr son fondateur. Quant à Jacques Beffara, une grande partie de son activité était consacrée au parrainage des engins moteurs dont il assurait tout le suivi du dossier du dessin à la cérémonie de baptême de l’engin. C’est dans ce contexte que j’ai commencé à travailler avec lui, puisque j’établissais le dessin du montage des blasons sur les engins thermiques.

La SNCF a organisé une grande exposition dans l’ancienne gare de la Bastille en 1976 (novembre d’après mes photos). Je crois que ceux qui l’ont connue en gardent un souvenir profond. Il y avait là des exposants privés et professionnels. Bien évidemment la SNCF était présente sous l’égide du « Secrétariat Général » (dont une branche deviendra la Direction de la Communication) lequel service avait confié à la Direction du Matériel l’organisation et l’animation de son stand. En outre, chaque région administrative de la SNCF avait sa propre représentation et avait organisé son stand avec des modélistes régionaux. Jacques Beffara et Michel Lamarche m’ont embauché pour la durée du salon. En face de notre stand, il y avait celui de Jouef où j’ai fait la connaissance d’une de ses animatrices, une jeune femme dénommée Martine Held qui, une fois mariée, deviendra une certaine Martine Lanter…







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