Voies métriques et étroites à la DRG, la DB et la DR

[malletslm]

(...) La machine a été reproduite à l’échelle IIm chez LGB sous la référence 25851...

... et aussi - mais beaucoup plus confidentiellement ! - à l'échelle H0m par l'artisan Westmodell, avec cette reproduction de la 99 201 réalisée en petite série :

(exemplaire vu sur eBay.de en 2009)

[tyrphon]

J'avais fait un petit article sur ces machines dans la Gazette du GEMME. En voici un extrait:

Une dizaine de ces machines avaient été affectées par l’armée allemande à la partie de la ligne Montmédy - Verdun du réseau S.E. de la Woëvre, tombée entre leurs mains. Après l’armistice, une de ces machines resta en service sur le réseau. Il s’agissait de la HK 23, construite en 1917, qui prit le n°6001. Cette machine fut ensuite vendue en 1928 ou 1929 à la compagnie suisse Yverdon - Ste Croix, où elle porta le n°5. En 1946, enfin, elle fut vendue au chemin de fer Franco - Ethiopien, où elle finit son existence mouvementée

J’arrête là mon exposé historique, tiré des livres « Les petits trains de jadis » de Henri Domengie et José Banaudo (Editions du Cabri) et « Le chemin de fer Yverdon –Ste Croix » de R. Scholtz et Michel Py, ouvrages hélas épuisés.

Aucune photo de la 6001 sur le réseau de la Voëvre ne semble exister, puisque le premier ouvrage précité ne publie qu’une mauvaise photo de sa sœur la HK 12, non conservée par le réseau. Le second livre fournit de bonnes photos de la n°5, mais après les transformations apportées à son arrivée en Suisse (suppression de la pompe de frein et du réchauffeur, sablière neuve).

Heureusement, le même livre fournit le diagramme d’origine de cette machine. Par ailleurs, une autre sœur de notre machine a trouvé le chemin de la Deutsche Reichsbahn, sous le n° 99 201, ce qui lui a permis de figurer dans les célèbres archives photographiques de Carl Bellingrodt (et maintenant dans le catalogue LGB). A noter qu’on trouve aussi un diagramme de la 99 201 (et donc de la 6001) sur http://www.malletlok.de/ge/ge_d/99201.htm


J'ai découvert depuis cet article, grace aux livres "Tortillards of Artois", puis "Les Petits Trains de Ch'Nord" qu'une autre de ces machines avait abouti dans le Pas de Calais en 1931 et y avait assuré la remorque des trains de betteraves sous le numéro 161. Elle aurait été échangée en 1951 contre un autorail et une remorque Billard des TIV. On trouve dans ces livres un diagramme, Mais toujours pas de photo...

Enfin, jusqu'à présent, ce type de machine est celui qui a le plus rencontré l'histoire de France.

[Rockandrail]

Merci Jean-Pierre pour ce complément indispensable!

[tyrphon]

Nous passons là dans la catégorie au dessus question taille.

Je suis toujours aussi étonné par ces loks construites, ou du moins intégrées par le DRG à l'unité: gros accroc à l'unification !

Pierre, d'en bas.

Jusqu'à présent, nous n'avons rencontré que les quatre 050T 99 ¹⁹ qui aient été construites du temps de la DRG, bien que sur un modèle ancien.. Tu vas en voir apparaitre d'autres, en particulier les fameuses 151T qui furent les seules locomotives unifiées à voie métrique. Mais je pense que, comme les voies étroites étaient constituées de lignes isolées aux caractéristiques diverses, l'unification n'était pas évidente et pas prioritaire.
Seul le réseau saxon, à voie de 75, constituait un ensemble important. Mais c'est pour plus tard...

[Rockandrail]

1-16) BR 99²¹ – Nouvelle construction DRG

Cette locomotive nous ramène sur l’île de Wangerooge.

En 1913, les chemins de fer de l’Oldenbourg y avaient mis en service deux voitures à bogies et compartiments pour le transport des voyageurs. En 1927, la DRG passa commande aux ateliers Weyer de Düsseldorf de cinq voitures supplémentaires. Ces voitures furent suivies en 1931 par deux mixtes poste-fourgon.

Les locomotives en service lors de la réception des cinq nouvelles voitures étaient bien incapables de les tracter toutes. La DRG passa donc commande auprès de Henschel d’une nouvelle machine à trois essieux accouplés. Elle fut livrée en 1929 (Henschel 21443). La DRG l’immatricula 99 211. Bien que la locomotive fût construite et mise en service à peu près en même temps que les nouvelles locomotives unifiées à écartement étroit de la DRG, la 99 211 n’avait aucune des caractéristiques des machines unifiées.
C’était un exemplaire unique conçu spécifiquement sur la base d’un cahier des charges adapté à son usage insulaire.

La 99 211 était dotée d’une chaudière puissante timbrée à 14 bars (les autres locomotives en service sur l’île ne l’étaient qu’à 12 bars), d’une longueur de 2250 mm entre les plaques tubulaires. Sa surface de vaporisation était supérieure de 25% à celles des BR 99 022 et 023 que nous avons décrites précédemment. Sa masse adhérente de 18,3t excédait largement celle des machines plus anciennes (12,2t) et sa puissance de 105 kW (140 cv) dépassait de 40% celle des machines Hanomag. Comme ses consœurs, la locomotive sortit intacte du bombardement de l’île du 25 avril 1945.

Les BR 99 021 et 022 avaient été transférées depuis 1942 sur le front de l’Est, si bien qu’à la fin de la guerre, seules subsistaient des machines d’origine de la ligne les 99 023 et 99 211. Elles avaient cependant été rejointes dès 1939 par d’autres locomotives, déplacées depuis d’autres réseaux allemands ou prises dans les pays occupés, notamment une machine Cn2 (030T) construite par Weidknecht à Paris.

La diésélisation du parc moteur de l’île au cours des années cinquante fit petit à petit mettre au rebut les locomotives à vapeur. La 99 211 connut sa dernière révision générale en 1953 et fut mise en réserve jusqu’en 1958. Après sa radiation, elle fut remise à la communauté de l’île où elle se trouve toujours exposée aujourd’hui.

Catégorie : Cn2
Distribution : K 33.6
Diamètre des roues motrices : 800 mm
Longueur hors tampons : 6400 mm
Empattement : 2000 mm
Poids total en service : 18,3t
Vitesse maxi : 40 km/h
Fabricant : Henschel
Première mise en service : 1929
Tender : 0,6t de charbon
Nombre total construit : 1
Nombre intégré à la DRG : 1
Numérotation : 99 211
Dates de réforme : 1958

BR 99 211 (Henschel 21443/1919) – Côté du chauffeur

BR 99 211 (Henschel 21443/1919) – Côté du mécanicien

BR 99 211 préservée sur l’île de Wangerooge

[tyrphon]

Effectivement, cette machine n'a rien d'une unifiée DRG. Avec sa ligne très standard, elle fait plutôt penser à une locomotive commandée sur catalogue du constructeur.

[Rockandrail]

1-17) BR 99²² – Locomotive unifiée DRG

C’est en 1929 que la DRG mettait en service la première locomotive unifiée qui ne fût pas à l’écartement standard. Il s’agissait de la BR 99⁷³ pour voie de 750 mm. Nous étudierons cette machine ultérieurement.

A la même époque, les locomotives en services sur les voies étroites prussiennes dépendant de la Direction de la Reichsbahn (RBD) d’Erfurt arrivaient en fin de course et appelaient à être remplacées. De ce fait, le bureau des unifications de la DRG mit à son programme la construction d’une locomotive unifiée pour voie de 1000 mm.

La construction des machines allait respecter les directives des « conditions préalables pour la construction de véhicules à voie étroite (BfS) » ainsi que celle des « principe de construction et de mise en service des locomotives (Grz) » édictées par le bureau des unifications. Les locomotives devaient satisfaire à la demande de la RBD d’Erfurt, mais également pouvoir être mises en service sur les lignes métriques de Bavière, du Bade et du Wurtemberg.
Peu de choses cependant devaient sortir de cet ambitieux programme, puisqu’au total seules trois locomotives seront construites par Schwartzkopff en 1930. Elles formeront la série 99²² et seront numérotées 99 221 à 99 223.
Les trois machines furent remises à la RBD d’Erfurt et mises en service sur la ligne Eisfeld-Schönbrunn que nous avons déjà évoquée.

Les BR 99 221 et 99 223 furent déplacées de mai à juin 1944 en Norvège occupée où elles demeurèrent après la capitulation. Elles assurèrent encore quelques années de service sur la ligne Thamshavn – Løkken (Thamshavnbanen) puis furent ferraillées sur place. Cette ligne norvégienne était électrifiée depuis 1908. Du printemps 1943 au printemps 1944, la Résistance norvégienne fit sauter la totalité des locomotives et automotrices électriques en service sur la ligne. C’est pourquoi les 221 et 223 y furent acheminées en remplacement. La Résistance tenta bien entendu de les faire sauter aussi mais elle n’y parvint pas.
En représailles, l’occupant força des prisonniers à doubler la ligne d’un troisième rail permettant la circulation de matériel à l’écartement standard. Aucun matériel de ce type ne circula cependant et le troisième rail fut démonté immédiatement après guerre.

La BR 99 222 poursuivit son service sur la ligne Eisfeld – Schönbrunn jusqu’à sa fermeture et fut transférée le 1er août 1966 au dépôt de Wernigerode Westerntor afin d’être mise en service sur la ligne du Harz, Nordhausen – Wernigerode, où elle circule toujours.

+-+-+-+-+-+-+-+-+-+

D’un point de vue fonctionnel, les locomotives de la série 99²² pouvaient tracter 1000 à 1100t sur le plat à leur vitesse maximale de 40 km/h. Elles enlevaient encore 165t à la même vitesse sur une rampe de 10‰ en courbe de 60 m de rayon. Enfin, les machines tractaient, dans des courbes identiques, 195t à 20 km/h et 110t à 30 km/h en rampe de 25‰. Autrement dit, ces machines n’avaient de commun avec toutes celles que nous avons étudiées jusqu’à présent que leur écartement.

Véritable locomotive unifiée de la DRG, la 99²² était équipée de la chaudière de la BR 81 que nous avons étudiée dans la petite histoire à voie normale. Seuls le dôme de vapeur et la boîte à fumée avaient été adaptés à la nouvelle machine. Avec une longueur de tubes de fumée de 3500 mm et une surface de chauffe de 95,9 m², la machine développait une puissance de 478 à 515 kW (650 à 700 cv). Le haut de la chaudière culminait à 2500 mm au dessus du rail. Il était malgré cela surmonté d’un dôme et de sablières de grand volume. Afin de compenser la mauvaise dispersion du sable entre les roues constatée sur les voies étroites, chaque sablière disposait de cinq tubulures d’éjection de sable agissant sur l’avant et l’arrière des roues, mais aussi latéralement.
Afin d’en relier les éléments très espacés, la chaudière était équipée de trois sorties de vapeur. Deux d’entre elles étaient disposées à gauche et à droite du dôme de régulation ; la troisième se situait sur le sommet du foyer, devant l’abri.
En novembre 1973, le Raw de Görlitz fit procéder au remplacement du réchauffeur Knorr par un ensemble réchauffeur-mélangeur.

Comme toutes les locomotives unifiées de la DRG, la 99²² avait un châssis en barres. Les longerons avaient une épaisseur de 60 mm et étaient espacés d’environ 670 mm. Les plaques d’extrémité ne portaient par contre pas de traverse de tamponnement, les machines étant munies d’attelages à tampon central.
Adaptés au matériel tracté existant, les attelages étaient du type Janney. Les têtes d’attelage étaient interchangeables avec des têtes Scharfenberg.

Les freins étaient conformes à ceux utilisés sur les locomotives unifiées : système de freinage de manœuvre de conception Knorr et freins manuels à contrepoids. Le robinet de frein du mécanicien était du type Schleifer à deux chambres. En service normal de traction, le freinage était assuré par le train lui-même. Les freins de la locomotive n’étaient actionnés qu’en cas de freinage d’urgence. Les machines étaient cependant pré-équipées pour recevoir un système de freinage à contrepression Riggenbach. La cheminé comportait à cet effet une double paroi à usage de silencieux pour le système Riggenbach. Les conduites d’air pour les voitures étaient installées sur le côté droit de la machine.

Lors de leur transfert sur le Harz, les machines furent équipées de freins principaux à vide de type Hardy et de freins auxiliaires Knorr.

Catégorie : 1’E1’h2
Distribution : K 57.10
Diamètre des roues motrices : 1000 mm
Longueur hors tampons : 11636 mm
Empattement : 8700 mm
Poids total en service : 65,8t
Vitesse maxi : 40 km/h
Fabricant : Schwartzkopff
Première mise en service : 1931
Tender : 3t de charbon
Nombre total construit : 3
Nombre intégré à la DRG : 3
Numérotation : 99 221 à 223
Dates de réforme : en service

BR 99 221 – locomotive unifiée (Schwartzkopff 9920/1931) – Machine en livrée photographique

BR 99 223 – locomotive unifiée (Schwartzkopff 9922/1931)

BR 99 7222-5 – ex BR 99 222 renumérotée EDV par la DR (Schwartzkopff 9921/1931) - Machine équipée de l’ensemble réchauffeur-mélangeur.
On remarque en arrière plan de cette photo une voiture deux niveaux de la DR

BR 99 222 photographiée à Wernigerode en 2003

[malletslm]

Merci pour l'historique de cette courte mais très intéressante série !

Et une petite pensée pour la 99 222 : de toutes les machines vues jusqu'à maintenant sur ce fil, elle est la première a être non seulement préservée mais aussi "vivante", et bien vivante puisque sur le HSB elle est intégrée au même "roulement" que ses "descendantes" de la série 99 7231 à 7247 d'après guerre, dites "Neubauloks"

Petit complément "modéliste" , cette impressionnante machine a fait l'objet d'au moins trois reproductions à ma connaissance :


1) la petite firme KEHI en a fait à une époque un modèle en H0m assez rustique, bien dans le style de ses premières productions. À noter qu'il s'agit bien de la version d'origine "Eisfeld-Schönbrunn", à caisses à eau rivetées, accompagnée d'une rame voyageurs assortie. Naturellement cet artisan a aussi fait ensuite les versions moderniées "Harz", en numérotation DR 99 7222-5 (= années 70) puis HSB 99 222 (version actuelle) :

2) également en H0m mais d'une toute autre classe , le beau modèle - en kit - de chez WEINERT. Là aussi, il existe la version d'origine DRG (photo ci-dessous) et la version modernisée "Harz" (à caisses à eau soudées) :

Pour se rincer l'oeil, on peut voir d'autres photos de ce modèle WEINERT sur le site de l'artisan Modellbahn Manufaktur Crottendorf, qui assure pour les amateurs maladroits - et aisés... - le montage de ce genre de kit...


3) Enfin, la firme LGB a aussi reproduit la 99-7222-5 de la DR en IIm. Comme son immatriculation l'indique, il s'agit de la version moderniée "Harz" des années 70, avec les caisses à eau soudées et ensemble réchauffeur-mélangeur devant la cheminée :

[malletslm]

Pour revenir à la machine réelle, et en particulier les deux dernières photos montrées par Rockandrail , on notera que le HSB (la compagnie privée désormais à la tête du réseau du Harz), consciente de l'intérêt "patrimonial" de cette machine d'avant-guerre, s'est employée autant que possible à en préserver le caractère particulier, notamment et en lui rendant son numéro d'origine 99 222...

Ces petits détails permettent - parmi d'autres - de la distinguer du premier coup d'oeil des "Neubauloks", qui lui ressemblent pourtant beaucoup . En 2009, lors d'un séjour dans le Harz, j'avais eu le plaisir de croiser la 99 222 plusieurs fois lors de mes pérégrinations : entre autres particularités, on notera que cette machine est la seule - et pour cause ! - des 151 du Harz à arborer fièrement sur ses cylindres le blason du constructeur Schwartzkopff...

... et, pour le plaisir, une dernière petite photo dans le cadre de la gare du Brocken : devant la cheminée on voit le réchauffeur apparent (Knorr ?), remis comme à l'origine :

[POMidi]

Fabuleux.

Quand Pierre, Jean-Pierre et Jean-Michel s'y collent, cela nous fait un super sujet.

Grand merci à vous tous.

Pierre, d'en bas.