Le confort des TGVLe TGV 001À sa sortie d’usine le TGV 001 est doté de 6 bogies moteurs identiques à quelques micro-détails près pour les bogies extrêmes (adjonction de la brosse de contact, de l’enregistreur de vitesse et des balises de cab-signal). La suspension secondaire est réalisée par des ressorts pneumatiques dits "coussins" Sumiride du fabricant japonais Sumitomo. Ce ressort est placé sous l’appui de l’anneau porteur (pour les bogies articulés des remorques) ou sous le châssis des motrices et repose sur une traverse de charge. Cette traverse est liée par des bielles à l’anneau porteur ou au châssis en formant un parallélogramme déformable. Ce type de coussin, déjà utilisé sous les voitures TEE Inox A4Dtux et Vru, n’accepte que des débattements verticaux : pour les prises de courbe, il faut faire appel à une traverse intermédiaire pivotante. Dans le cas du TGV 001, cette fonction est assurée par des blocs sandwich, se déformant à la torsion et au cisaillement, intercalés entre la traverse de charge et le longeron du bogie. Ce dispositif simple est déjà bien connu pour son application aux locomotives (le plus connu et visible étant celui des BB 4400 kW et BB 67400).
Vue d'un anneau d'intercirculation du TGV 001. Le bogie moteur Y 225 a un empattement de 2600 mm.
Dès les premiers tours de roues, le confort vibratoire du TGV n’interpelle pas outre mesure, il est même perçu comme bon. Les performances, la vitesse et les innovations ont-elles occulté la qualité du confort qui, petit à petit, se dégrade inexorablement ? Y a-t'il eu de l’eau du circuit des toilettes qui s’est répandue dans le circuit pneumatique alimentant la suspension, autrement dit de l’eau dans le gaz responsable de la "dureté" de la suspension ? Toujours est-il que les nouvelles venues, les rames RTG et les voitures Corail, ont placé la barre du confort, vibratoire en particulier, assez haut. Il n’en faut pas plus pour éveiller l’idée d’adapter cette suspension à ressorts métalliques au TGV 001. De plus cette solution est jugée économique par son absence de consommation d’air et de maintenance ou de réglage des valves de nivellement. Pour cette expérimentation, la remorque de 1ère classe sera encadrée par deux nouveaux bogies porteurs de type Y 226 B. Ce n’est pas non plus la panacée et les remorques sont de plus excitées par de désagréables ondes longitudinales. Les tentatives d’amélioration du confort du 001 en resteront là.
Le TGV 001 a reçu des bogies porteurs de type Y226 B de 3000 mm d'empattement. C'est la version démotorisée de ceux de la Z 7001. La suspension est encore de type pneumatique. Puis, des bogies de type Y229 seront montés avec ressorts métalliques hélicoïdaux. Ils préfigureront les bogies de série Y230 et Y231.
Les TGV PSELa période passée aux essais en tant que chef de bord étant terminée, je retourne à mon affectation précédente, le bureau d’études des caisses des automoteurs et des TGV. Après l’euphorie due aux bonnes performances techniques des rames de présérie du TGV PSE suivie par une mise en service commercial plutôt réussie des rames de série, eu égard à l’ampleur du projet, il apparait maintenant que le confort vibratoire du TGV est en train de devenir un vrai problème. On ne peut plus jouer l’autruche face aux remontrances des voyageurs. Le sujet est posé sur la planche (à dessins) et, au risque d’être un peu grivois, on peut dire que tout aura été tenté pour sauver cette suspension métallique en s’obstinant à tourner autour du pot. Il faut préciser que, les rames sortant de construction à cadence soutenue, si une solution miracle avait émergé, elle aurait fait l’économie de bouleversements techniques importants. Néanmoins, faute de résultats encourageants, voilà que la suspension pneumatique refait surface. Claude Sery est informé par son Chef de Division qu’une remorque R5 (appelée R15) sera extraite de la composition de la rame 10 et sera mise à disposition pour des essais de suspension pneumatique. Claude et moi avons couché sur le papier les dessins d’ensemble et de détails pour l’installation d’une suspension pneumatique à la R15. Claude a la responsabilité de la partie bogie et des composants de la suspension, moi celle de l’adaptation sur la caisse. L’exécution des pièces et le montage de l’ensemble sont réalisés par l’Atelier de Bischheim. La remorque est prête au printemps 1979.
La suspension est réalisée par un empilage de pièces. On trouve de haut en bas :
• le ressort pneumatique composé d’une membrane sertie à sa partie supérieure sur une plaque de fermeture, d’une membrane souple qui accepte les mouvements verticaux, transversaux et de torsion, et d’un pot autour duquel la membrane est emmanchée à force afin de supporter la charge et garantir l’étanchéité. En outre, le pot referme un ressort métallique faisant office de suspension de "secours". La plaque de fermeture est en contact avec la potence de l’anneau porteur. Les membranes sont à présent fournies par le manufacturier allemand Continental. L’alimentation en air se fait par le dessus de la plaque de fermeture.
• Une structure tubulaire qui supporte la charge et qui renferme le réservoir d’air associé à la membrane d’une contenance de 108 litres. La tuyauterie de communication entre les deux suspensions est prise sur un siège logé dans la virole de chaque réservoir. Cette tuyauterie possède un clapet anti-retour en cas d’avarie d’un coussin.
• Une structure sur laquelle repose l’ensemble réservoir et dont la hauteur ménage le montage de l’amortisseur transversal caisse-bogie. Cette pièce est montée sur le longeron de bogie.
• Un amortisseur vertical monté entre la plaque de fermeture et la potence de l’anneau porteur complète l’installation.
• Comme nous en sommes restés aux expérimentations faites sur le TGV 001, les réservoirs d’air supplémentaires en amont des valves de nivellement sont maintenus.
La hauteur de l’empilage est telle qu’elle se substitue à celle du ressort métallique et de sa chaise de repos. Attendu que la membrane est directement appliquée sous l’anneau porteur, ce montage est appelé "plan haut". Il a l’avantage de se passer de barres de torsion antiroulis pour le respect du coefficient de souplesse.
Le premier montage testé est en plan haut. La remorque est attelée par une barre d’attelage reliée à la traverse inférieure de l’anneau porteur et à l’autre bout à un wagon couvert à bogies Gass pour rouler à au moins 140 km/h (le choix du wagon a été fait dans l’urgence). La voiture de mesures est une Grand Confort de la Division MED (essais dynamiques). La veille de la première circulation de la R15 en suspension pneumatique, je passe par chez Claude qui a préparé les victuailles, les matelas gonflables et les duvets.
Nous passons une nuit à bord de "notre" R15 afin d’être fins prêts à l’aube de ce que nous espérons être un jour J. Et nous n’en serons pas déçus ! La rame d’essai, tractée par une incontournable BB 15000 et R15 en fin de convoi, est mise à quai n°1 de la gare de Strasbourg. Elle doit circuler sur la boucle Strasbourg-Nancy-Metz-Reding-Strasbourg pour établir des mesures de confort sur un parcours de référence. Quelques minutes avant le départ, MM. Garde, Metzler, Forray et Révillon (l’aréopage de la Direction du Matériel) prennent place à bord. Dès la première montée en vitesse, le confort y est remarquable, la voiture glisse au dessus de la voie. Claude, notre monteur de Bischheim André Zylliox et moi "vibrons" de l’intérieur de satisfaction. A 140 km/h, on enregistre une note de confort vertical de 40 heures alors que dans le meilleur des cas, le confort avec la suspension métallique peine à atteindre les 18 heures.
La note de confort est calculée par un algorithme et une pondération à partir de l’accélération mesurée en caisse dans la direction étudiée (transversale, verticale ou longitudinale). Elle est exprimée en heures et est censée représenter le temps au bout duquel un individu normalement constitué éprouve une certaine fatigue. Les accéléromètres sont fixés au plancher du véhicule, de préférence à une fixation au siège car ce dernier peut se révéler être un atténuateur ou un amplificateur vibratoire en fonction de ses caractéristiques mécaniques et de son état de charge). Afin d’étayer un dossier comparatif, la R15 circulera tour à tour équipée de ressorts métalliques de bogies moteurs TGV, de voitures VTU et de rames RTG. Enfin, la R15 clôturera cette campagne d’essais par une version plan bas, laquelle donnera les meilleurs enregistrements. Face à ces résultats remarquables, la décision est prise d’étendre l’essai à la moitié d’une rame TGV en suspension pneumatique. C’est la rame TGV PSE n°10 qui est désignée pour cette application. Claude et moi reprenons partiellement nos dessins pour une réalisation plus industrielle que dans le cadre de l’expérimentation de la R15 isolée. L’adjonction des réservoirs supplémentaires ne sera pas reconduite, ayant été prouvé que leur influence n’était pas quantifiable.
Détail de la suspension pneumatique de la remorque R15 en "plan bas".
Essais de suspension de la remorque R15 avec des ressorts de type RTG et bogies Y231.