Bernard Bayle a écrit:Tant qu'il y aura du pétrole pas cher (NDLR), l'écologie restera un objet de distraction.
En parcourant l’histoire des chemins de fer ces 60 dernières années, je constate que la vision de l’opinion et des pouvoirs publics (les deux s’influençant mutuellement) sur le chemin de fer est directement liée aux prix du pétrole.
J’ai un livre de « géographie des chemins de fer français » datant de 1959 dans lequel il y a une carte qu’il faudra que je publie ici, qui montre les électrifications prévues à court terme. Parmi elles Le Mans-Nantes et Bordeaux-Montauban qui devront attendre encore plus de vingt ans. C’est qu’en 1959 la crise de Suez était toute fraîche dans les mémoires alors que, dans les années 60, le prix très bas du pétrole a conduit à une politique du « tout Diesel » (avec la variante Turbotrain) pour les grandes lignes pendant qu’on fermait les petites. Puis vinrent les chocs pétroliers et le train rentra plutôt en grâce. Dans les années 2000, le prix élevé du pétrole conduisit à un bref « âge d’or » du chemin de fer dans les esprits, mis en avant aussi dans le cadre du « Grenelle de l’environnement ».
Ces dernières années, la chute des prix du pétrole correspond comme par hasard à une nouvelle mise en cause du chemin de fer, qui n’aurait plus de sens que comme « transport de masse » aux abords des grandes villes. A cela il faut ajouter la paupérisation lente mais continue des classes moyennes, renvoyées pour leurs déplacements à ces moyens du tiers-monde que sont l’autocar et l’auto-stop, ce dernier assisté par les réseaux sociaux pour lui donner une allure de modernité. Le train reprendra des couleurs à la prochaine crise pétrolière … si on n’a pas tout démantelé d’ici là. Car dans une société impulsive, le ferroviaire qui a besoin d’infrastructures lourdes ne peut s’adapter aux modes qui changent au gré des saisons, ce qui m’amène à la suite …
Bernard Bayle a écrit:PS: suite aux cacas de la gare Montparnasse, j'avais entendu que SNCF investirait 150 M€ pour améliorer sa communication en cas de crise. Hé bien vois-tu, je serais plutôt du genre à investir 150 M€ pour que ça aille mieux plutôt que de mieux expliquer pourquoi ça va mal.....
C’est un problème de fond de notre société, qui ne touche pas que la SNCF, loin de là. C’est un effet pervers de la domination de la sphère publique par les communicants et publicitaires de tout poil.
J’ai une théorie là-dessus qui vaut ce qu’elle vaut. Dans un monde où les besoins de base sont dans l’ensemble satisfaits, une bonne partie de l’économie se construit sur du « dispensable », que je ne veux pas appeler inutile car je pense que la vie strictement limitée à la satisfaction des besoins de base serait triste à mourir, et ce n’est pas des amateurs de petits trains dépensant entre plusieurs centaines et plusieurs milliers d’Euros par an pour des objets parfaitement inutiles qui devraient me contredire. Le problème est qu’il y a une concurrence féroce entre les différents « dispensables » pour conquérir un public sursollicité, d’où l’importance prise par les communicants, commerçants et publicitaires. Et ce pouvoir, une fois pris, tend à s’étendre au-delà de la stricte limite du dispensable.
Dans une bonne partie de la vie économique et politique, on dépense aujourd’hui énormément d’énergie non pas à satisfaire les demandes d’une population donnée, mais à convaincre la dite population qu’elle est heureuse avec ce qu’elle a et que sa demande n’est pas légitime. Qu’elle le soit, légitime, est une question qui peut parfois se poser mais le réflexe est de ne pas la poser et de convaincre « les gens » que tout va bien et qu’ils ont tort de se plaindre. Dans les cas extrêmes comme quand des milliers de voyageurs sont privés de plusieurs jours de vacances pour cause de défaillance technique, le système devient un peu ridicule, mais il est tellement dans les esprits que personne ne le remet en cause. Si la SNCF dépense 150 M€ pour améliorer sa communication c’est aussi parce que le pouvoir médiatique, exprimant ou façonnant l’opinion (autre débat) lui en a intimé l’ordre.
Ces communicants étant là, je regrette quand-même qu’en plus ils soient mauvais. Je ne cesse d’entendre sur les radios et dans les journaux une opposition entre TGV et « trains de quotidien ». Pourquoi n’y a-t-il personne à la SNCF pour rappeler qu’il y a des voyageurs qui prennent le TGV tous les jours. Il doit pourtant bien exister des chiffres de vente des abonnements. J’ai connu quelqu’un qui a pu, grâce au TGV, accepter une mission informatique de deux ans aux mutuelles du mans alors qu’il habitait Paris. Sans le TGV et la localisation du travail en face de la gare du Mans, il aurait peut-être été au chômage pendant deux ans. Pourquoi ne se trouve-t-il personne pour donner ce genre d’exemple ? Sans doute hélas parce que les communicants mandatés par la SNCF ne connaissent vraiment rien au sujet qu’ils traitent.