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5-2-7) 1935 – BR 84Probablement la plus méconnue des locomotives unifiées de la classe Gt de la DRG.
L’intense trafic touristique sur la ligne à voie étroite reliant Heidenau à Altenberg, connue sous le nom de Müglitztalbahn, dans les Monts Métalliques, amena la DRG à reconstruire la ligne à l’écartement normal (1435 mm). Malgré les difficultés présentées par le relief, les travaux prévus pour couvrir la période 1935 – 1938 devaient rester d’un coût abordable. De ce fait, on ne prévoyait pas de grosses rectifications du tracé et l’exploitation de la ligne devait prendre en compte des rampes atteignant 37‰ et des courbes d’un rayon de 100 m.
La DRG ne possédait pas à ce moment de locomotive capable d’effectuer ce type de service. Les premiers projets mis à l’étude fin 1934 prévoyaient une machine à cinq essieux accouplés de 18,5t par essieu, capable de tracter un train de 175t à 40 km/h sur une rampe de 1 :27 à 1 :30 comportant des courbes de rayon 140 m. La vitesse maximale souhaitée était de 70 km/h afin de permettre à la même machine d’acheminer les voyageurs à Heidenau, au pied de la ligne, depuis la gare de Dresde et de rendre ainsi le voyage le plus court possible sur cette ligne très chargée.
Le projet de développement de la locomotive fut confié à BMAG (anciennement Schwartzkopff) et à Orenstein et Koppel (O&K). Après de longues études théoriques, les deux constructeurs présentèrent des machines de même disposition d’essieux (1’E1’ – 151) et dotées d’une chaudière identique mais différentes par leur entrainement.
Schwartzkopff proposa pour l’inscription en courbe requise par la ligne d’équiper ses machines des bogies Schwartzkopff-Eckhardt de sa conception. Dans ce système, l’essieu directeur avant et le deuxième essieu accouplé d’une part, et l’essieu directeur arrière et le quatrième essieu accouplé d’autre part formaient un bogie par l’intermédiaire d’une fourche montée sur pivot. Les deuxième et quatrième essieux accouplés guidaient ainsi le déplacement radial des premier et cinquième essieux accouplés. A l’exception de l’essieu moteur (le troisième essieu accouplé) dont les roues étaient sans boudins, tous les essieux disposaient donc d’un jeu latéral.
Orenstein et Koppel optèrent également pour un entrainement via le troisième essieu accouplé, dont les boudins de roues furent rognés de 15 mm et fixèrent au cadre les essieux deux, trois et quatre. Les premier et cinquième essieux accouplés n’étaient pas entrainés par les bielles mais par un système interne d’engrenages de conception Luttermöller, identique à celui de la BR 87 et présent également sur les locomotives pour voie métrique et étroite des séries 99
18 et 99
43-44.
Les locomotives prototypes des deux constructeurs furent livrées fin 1935 et début 1936. Schwartzkopff avait équipé ses deux machines (BR 84 001 et 84 002) d’une motorisation à trois cylindres. Les machines d’O&K (BR 84 003 et 84 004), de par leur entrainement Luttermöller, ne pouvaient accueillir qu’une motorisation bicylindres. Les essais intensifs qui s’ensuivirent avaient pour objectif de déterminer lequel des deux entrainements se révélerait être le plus approprié. La supériorité thermique de la motorisation bicylindre était déjà connue, que les essais ne contredirent pas. La locomotive bicylindre 84 003 consommait en charge moyenne (736 kW – 1000 cv) 4 ,6% de vapeur en moins que la locomotive à trois cylindres et 7,7% en moins à forte charge (1250 kW – 1700 cv). Ce gain de vapeur était cependant perdu lors de l’utilisation de l’entrainement par engrenages du fait de l’importance des frottements générés. L’énergie nécessaire au seul mouvement de la machine à 30 km/h était sur la locomotive à entrainement Luttermöller le double de celle requise par l’entrainement par bielles.
De plus, la machine O&K 84 003 présentait un balancement latéral deux fois plus important que la 84 002. Ce balancement s’aggravait avec la vitesse. Dans des courbes supérieures où égales à 190 m de rayon, les deux machines présentaient un bon comportement. Dans les courbes plus serrées, par contre, les bogies Schwartzkopff-Eckhardt conservaient une bonne inscription alors que les engrenages Luttermöller déplaçaient tout l’effort sur le premier essieu accouplé qui subissait ainsi une forte pression latérale.
En conclusion, la machine Schwartzkopff avec entrainement de tous les essieux par bielles fut retenue pour la suite de la construction. Huit locomotives supplémentaires furent commandées et numérotées 84 005 à 84 012. Celles-ci furent cependant équipées de chaudières au timbre réduit à 16 bars car les chaudières timbrées à 20 bars des machines prototypes n’avaient pas montré d’avantage significatif pouvant justifier les coûts d’entretien plus élevés. L’une des locomotives prototypes fut même un temps équipée d’une chaudière à 14 bars car l’on avait constaté qu’à vitesse élevée, les avantages d’une chaudière à haute pression étaient bien moindres qu’à faible vitesse et forte charge.
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Sur la ligne difficile reliant Dresde à Altenberg, les locomotives de la série 84 ont effectué des performances respectables. En 1939, les 49,2 km de la ligne étaient parcourus en 77 minutes, soit à la moyenne de 38,3 km/h. Par comparaison, le train le plus rapide effectuant le parcours à l’horaire d’hiver 1976/1977 au crochet d’une machine diesel de la série 110 effectuait le trajet avec un seul arrêt à Heidenau en 89 minutes, soit à la moyenne de 33,17 km/h.
Les machines furent initialement garées au dépôt de Dresde-Altstadt puis après quelques années au dépôt de Dresde-Friedrichstadt. Elles étaient peu appréciées du personnel en raison notamment de trois caractéristiques : le travail du chauffeur était particulièrement rude sur les sections de montagne ; l’étroitesse de l’abri le rendait pénible aux personnes de forte corpulence ou de haute taille ; Les roues sans boudins de l’essieu médian étaient très sensibles au mauvais positionnement de la superstructure dans les courbes serrées et tendaient à provoquer des déraillements.
Lorsqu’après la deuxième guerre mondiale l’extraction de minerais prit un essor particulier dans les monts métalliques, l’augmentation résultante du trafic nécessita que l’on déplaçât des machines supplémentaires dans la région. De ce fait, dès mi 1949, des locomotives de la série 84 étaient déplacées vers le dépôt d’Aue. En 1952, les 11 machines encore en service furent stationnées à Schwarzenberg, toujours dans la région des Monts Métalliques. Elles furent mises en service sur la ligne Schwarzenberg-Johanngeorgenstadt mise à double voie entre 1951 et 1952, parfois en double traction. Plus tard, les BR 84 servirent – toujours sur la même ligne, comme locomotives de double traction ou de pousse en association avec une BR 5810-21 (ex pr. G12).
L’un des inconvénients à l’utilisation des BR 84 dans les Monts Métalliques était la faiblesse de ses stocks embarqués. Il n’était pas possible, par exemple, de faire circuler un train entre Zwickau (Saxe) et Johanngeorgenstadt (58 km) sans s’arrêter pour faire de l’eau. En outre, avec leur charge de 18t par essieu, les machines de série 84 ne pouvaient pas emprunter les embranchements très fréquentés vers Annaberg-Buchholz et Karl-Marx-Stadt (Chemnitz) car ceux-ci étaient limités à 15 ou 16t par essieu.
Lorsqu’en 1958 le dépôt de Schwarzenberg fut définitivement fermé, le dépôt d’Aue se vit réattribuer les six machines alors restantes. (BR 84 001, 84 006, 84 008, 84 009, 84 010 et 84 012). Mais une fois là, les machines à l’entretien délicat et très sensible à l’état de la voie ne présentèrent plus d’intérêt et se virent radiées l’une après l’autre.
La BR 84 007 assura encore du service voyageurs sur la ligne Dresde-Arnsdorf-Kamenz, attachée au dépôt de Dresde-Altstadt.
La dernière machine, la BR 84 008, devait être radiée en 1960, mais elle servit encore pas mal de temps pour tracter la grue du dépôt. Elle fut finalement radiée en 1966 et ferraillée en décembre 1968 au dépôt de Karl-Marx-Stadt.
Aucune machine n’a malheureusement été préservée.
Machines prototypes avec bogies SchwarzkopffCatégorie : 1’E1’h3
Distribution : Gt57.18
Diamètre des roues motrices : 1400 mm
Vitesse maxi : 70 km/h
Fabricant : Schwartzkopff
Première mise en service : 1935
Tender : 3t de charbon
Nombre total construit : 2
Nombre intégré à la DRG : 2
Numérotation : 84 001, 84 002
Dates de réforme : 1960
Machines prototypes avec engrenages LuttemöllerCatégorie : 1’E1’h2
Distribution : Gt57.18
Diamètre des roues motrices : 1400 mm
Vitesse maxi : 70 km/h
Fabricant : Orenstein et Koppel
Première mise en service : 1935
Tender : 3t de charbon
Nombre total construit : 2
Nombre intégré à la DRG : 2
Numérotation : 84 003, 84 004
Dates de réforme : 1960
Machines de sérieCatégorie : 1’E1’h3
Distribution : Gt57.18
Diamètre des roues motrices : 1400 mm
Vitesse maxi : 80 km/h
Fabricant : Schwartzkopff
Première mise en service : 1937
Tender : 3t de charbon
Nombre total construit : 8
Nombre intégré à la DRG : 8
Numérotation : 84 005 à 84 012
Dates de réforme : 1966
BR 84 001 (Schwarzkopff 10452/1935) – Machine prototype avec bogies Schwarzkopff en livrée photographique
BR 84 004 (Orenstein et Koppel 12661/1935) – Machine prototype avec entrainement Luttermöller
La BR 84 en modèle
- Modèle Liliput 131200 de la BR 84 001
Avec cette machine, nous en avons terminé avec les locomotives-tender unifiées de la DRG réservées aux usages de triage et de manoeuvre. Il nous reste une machine à passer en revue avant d'en terminer tout à fait avec les locomotives unifiées, que la DRG classa comme locomotive-tender pour service voyageurs ominbus mais qui était en fait une machine de recherche: la BR 71.