Des françaises germanisées

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Des françaises germanisées

Messagepar Rockandrail
14 Aoû 2009, 18:03

On a souvent parlé de locomotives allemandes francisées à propos des machines reçues en réparation après la première guerre mondiale.
Moins connues car n’ayant circulé que derrière le rideau de fer et ce pendant quelques années seulement, il y eut aussi, après la deuxième guerre mondiale, deux françaises germanisées. Voici leur histoire allemande.

1) BR 07 1001 – ex SNCF 231 E 18

A l’image de nombreuses administrations des chemins de fer étrangères, en Allemagne dans les années 20, des recherches étaient entreprises par les entreprises AEG et Stug pour utiliser la chauffe à la poussière de charbon. Malgré d’importantes dépenses consacrées à ces recherches, il faut reconnaître que la technique ne fut jamais réellement couronnée de succès avant guerre. Il faudra attendre les essais intensifs mis en place par le collectif Wendler à partir de 1945 à la DR pour utiliser la poussière de lignite pour que la technique atteigne enfin une efficacité et une rentabilité compatibles avec des objectifs industriels.
A côté des essais les plus connus réalisés sur des machines pour trafic de marchandises, la transposition de la technique sur des machines pour trains rapides avait également été envisagée. Parmi les locomotives retenues pour effectuer ces essais, l’on trouvait des machines 2’Ch4v de catégorie pr. S101 (BR 1710-12) et un exemplaire de BR 0310, la BR 03 1087. Et puis, il y avait aussi deux machines françaises : l’ancienne 241 A 21 des chemins de fer de l’Est et l’ancienne 231 E 18 des chemins de fer du Nord. Déplacées en Allemagne au cours de la guerre, ces deux machines y étaient restées après la capitulation et se trouvaient dans l’inventaire de la nouvelle DR est-allemande.

Pendant que la 241 A 21 était transformée en 1951 par le Raw de Zwickau pour devenir la BR 08 1001 (BR 0810), la 231 E 18 était transformée en BR 07 1001 (BR0710) par le Raw de Stendal.

La raison décisive qui avait conduit à équiper cette machine du système Wendler tenait au fait que son comportement parfait en termes de roulement et de performances, que l’on devait à la conception Chapelon, doublé de sa motorisation compound à vapeur surchauffée en faisait une candidate idéale pour la chauffe à la poussière de charbon.

Il faut se rappeler que le nombre de locomotives allemandes à quatre cylindres et double expansion qui s’étaient révélées fiables d’un point de vue thermique et d’un coût d’entretien raisonnable était extrêmement réduit. On se rappellera également les interminables polémiques qui avaient eu lieu au temps de la DRG à propos des choix de motorisation. C’était d’autant plus étonnant que, dans le même temps, en France pourtant voisine - sous l’influence d’André Chapelon, on développait ce type de machines en y apportant des améliorations considérables en termes de rendement et de rentabilité.

En France, dès 1907, la compagnie Paris-Orléans avait mis en service la première locomotive européenne de type « Pacific ». Après la première guerre mondiale, on trouvait plusieurs types de locomotives 231 dans l’ensemble des compagnies françaises. En 1927, menées par Chapelon, des études avaient été réalisées afin d’évaluer les pertes énergétiques lors du transport de la vapeur vers les cylindres. Après plusieurs tentatives, Chapelon modifiait en 1929 la Pacific 3566 en l’équipant principalement d’une conduite de vapeur aussi rectiligne que possible et de grande section. Il en augmentait ainsi considérablement les performances.

En effet, pour une consommation d’eau réduite de 12,6 à 19,1% et une consommation de charbon réduite de 10,35 à 18,7%, la puissance au crochet de la machine augmentait de 50% !
Ce succès amenait le PO à transformer d’autres machines de la série 3500, devenant plus tard SNCF 231.701-732, des 231 à quatre cylindres à double expansion et vapeur surchauffée. La même transformation allait être effectuée sur les machines PO de la série 4500, initialement des 231 à quatre cylindres à double expansion et vapeur surchauffée aussi, en machines 240, devenant plus tard les SNCF 240.701-712.

Provoquée par ce succès exemplaire, la compagnie du Nord, qui avait de tous temps soigné son image de compagnie à la pointe de la modernité, commandait à son tour la transformation de 20 machines suivant les mêmes principes. Celle-ci allait avoir lieu à Tours en 1934. Les machines portaient les numéros 3.1171 à 3.1190. La SNCF regrouperait l’ensemble des machines transformées, PO et Nord, dans la catégorie 231 E 1 à 48. Ces « superpacific » tracteraient de grands trains rapides internationaux jusque dans les années 60.

En terme de vitesse, la 3.1174 (231 E 4) atteignait les 174 km/h en 1935. La 231 E 35 toucherait encore le 165 km/h en 1956.

L’ensemble de ces caractéristiques allaient donc en faveur de l’intégration de la 231 E 18 dans le programme de recherches de la DR pour la chauffe à la poussière de charbon. Pour ce faire, la machine allait demeurer pour l’essentiel dans sa configuration d’origine. Même la distribution Dabeg était conservée.

En dehors de l’installation du système Wendler, les seules transformations apportées seraient celles exigées par les conditions d’exploitation en vigueur à la DR. Ainsi, le poste de conduite était déplacé à droite de la cabine et équipés d’accessoires allemands. L’on envisageait l’installation d’une cabine de conduite en provenance des séries unifiées. On remplacerait plus tard la double cheminée Kylchap par une cheminée de BR 5810-21.

Pendent ses essais en marche, la locomotive était attelée à un tender à poussière de charbon provenant de ceux développés pour la BR 5810-21. Une fois la machine en service, elle recevra celui qui avait été attelé à la BR 03 1087.
La machine ayant été libérée pour le service, elle fut attribuée sous l’immatriculation 07 1001 au dépôt de Dresde A, à partir duquel elle fut mise en service rapide entre Dresde et Berlin.

Cependant, la machine étant seule de son type, et sa conduite, malgré les adaptations aux normes allemandes, restant étrangère au personnel de la DR, elle ne devait pas connaître une longue carrière. Elle fut radiée dès le 4 février 1958.
Par contre, son tender français d’origine fut encore utilisé quelques années attelé à la BR 18314, ancienne Pacific badoise IVh transformée en locomotive semi-carénée en 1960.

Catégorie : 2’C1’h4v
Distribution : S36.19
Diamètre des roues motrices : 1950 mm
Vitesse maxi : 140 km/h
Fabricant : Belfort – transformée au Raw Stendal
Première mise en service : 1912 - transformation 1952
Tender : 2’2’T28 a poussière de charbon
Nombre total transformé : 1
Nombre intégré à la DR : 1
Numérotation : 07 1001
Dates de réforme : 1958

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Re: Des françaises germanisées

Messagepar XTof_vl
16 Aoû 2009, 18:23

Pourquoi ont-ils gardé ces deux machines?
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Re: Des françaises germanisées

Messagepar Rockandrail
16 Aoû 2009, 19:03

XTof_vl a écrit:Pourquoi ont-ils gardé ces deux machines?


Je ne connais pas la raison exacte. Les deux machines étaient en Allemagne en 1945 lors de la capitulation. Je sais qu'elles sont restées garées froides dans un surplus de la région de Dresde jusqu'en 1952. Ce qui me semble plausible est que, le rideau de fer étant tombé sur l'Allemagne de l'Est très vite après la fin de la guerre, la France n'a plus eu aucun accès aux inventaires des machines présentes sur le sol est-allemand.

Ensuite, les pays du bloc soviétique gardaient tout, à la fois à cause de la pénurie de matériel mais aussi en cas de troisième guerre mondiale. Les soviétiques avaient encore des milliers de vieilles locomotives à vapeur en stock dans les années 80, au cas où. Je me souviens à Pragues en 1968 avoir vu en circulation un inventaire à peu près complet du parc automobile européen des années 30. Les voitures des années 65-68 de notre groupe (Ford Cortina, DKW, BMW, Mercedes 200D et Opel Rekord pour celles dont je me souviens) y faisaient sensation et créaient des attroupements.
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Re: Des françaises germanisées

Messagepar Rockandrail
16 Aoû 2009, 19:22

La BR 08 1001 ( ex 241 A 21) existe en modèle. Mais ce n'est pas donné!

BR 18 1001
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Re: Des françaises germanisées

Messagepar Morvan
17 Aoû 2009, 10:29

Certes, mais c'est du Micrométakit !!!

en tout cas un GRAND MERCI pour ce sujet.
Alain
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Re: Des françaises germanisées

Messagepar POMidi
17 Aoû 2009, 12:41

De même, un très très grand merci pour ce sujet :cool:

Et bien que ce soit inaccessible du fait du prix, quelle classe la 241 A1 à roues rouges :applause:
L'on reverrait d'une CC 6500 de cette veine :D

Merci à Pierre pour cette description méthodique des vapeurs d'outre-Rhin.

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Re: Des françaises germanisées

Messagepar Olive
17 Aoû 2009, 13:08

Magnifique, Rockandrail toujours aussi au top. Voilà une page d'histoire ferroviaire dont j'ignorais l'existence.
En fouillant sur le net, je suis tombé sur ça : http://micrometakit.pixnet.net/album/photo/88095202
Saurais-tu si cette version camouflage est crédible ou seulement sortie des délires de modélistes japonais qui sont pasr ailleurs friands de militaria allemand de la 2ème guerre ?
Cela amorce les chapitres concernant les kriegslokomotives Br 52 et 42 mis à part les gris RAL 7011 et 7021, est-ce que des couleurs camouflages ont réellement été utilisées pour ces machines ou si c'est seulement sorti de l'imagination des fabricants de kits stataiques de maquettes militaires ?
Si tu as des infos sur le sujet ? d'avance merci
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Re: Des françaises germanisées

Messagepar Rockandrail
17 Aoû 2009, 17:37

Comme mentionné dans mon post précédent, je n'ai pas trouvé la raison qui avait amené ces machines en Allemagne (réquisition pour trafic de guerre, transfert pour étude technique...). Les réquisitions furent nombreuses en tout cas. Je sais par exemple que la 241 A 65 préservée en Suisse, initialement 241 001 ETAT, devenue 3-241 A1 à la SNCF a servi en Allemagne pendant toute la guerre et a été rendue à la France le 27 janvier 1946. Affectée sur le réseau Est (Chaumont), elle est devenue 1-241A 301 puis 241 A 65 en 1950.

Que des locomotives réquisitionnées aient porté la livrée "Tarn" (camouflage) n'est pas impossible. Par contre la livrée présentée sur le site japonais me semble plus bariolée et plus jaune que celles que je connais.
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Re: Des françaises germanisées

Messagepar ligure
21 Aoû 2009, 10:22

Merci beaucoup pour se sujet très intéressant.

D'ailleurs Pierre j'ai pensé à toi, j'ai pris l'ICE en gare de Saarbruken HBf (ben oui on voyage avec ECR :mdr: )et il y a les essieux d'une machine à vapeur et d'un tender (rouge évidement), la prochaine fois que j'y passe je prendrai une photo
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Re: Des françaises germanisées

Messagepar Rockandrail
21 Aoû 2009, 10:45

:cool: Merci.
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