4-2) BR 9951-60 – ex sä. IV KAvec cette machine, nous abordons l’une des reines de la voie étroite allemande. Le fil qui va lui être consacré sera à sa mesure.
Dans la dernière décennie du dix-neuvième siècle, les chemins de fer saxons exploitaient vingt lignes à l’écartement de 750 mm, lignes qui connaissaient une augmentation de trafic constante et régulière. Les locomotives d’origine de la série I K, classées plus tard comme BR 99
750-752 et que nous passerons en revue à la fin de cette étude, ne faisaient absolument plus le poids. Les machines III K qui leur avaient succédé (futures BR 99
754) étaient d’une complexité technique extrême, trop peu puissantes et insuffisamment adhérentes avec leurs trois essieux accouplés.
Le gain d’adhérence et de puissance passait par une machine dotée de quatre essieux accouplés et d’une chaudière de plus grande taille. En raison des courbes nombreuses présentes sur les lignes à voir de 750 mm (dont certaines descendaient à 40 m de rayon), les chemins de fer saxons étaient réticents à faire l’acquisition de machines dont les roues motrices furent traditionnellement fixées à un cadre rigide. A leur demande, la fabrique de machines saxonnes Richard Hartmann mit au point une locomotive dotée de deux bogies moteurs de conception Günther-Meyer.
A la différence de l’agencement des machines Mallet-Rimrott, sur lesquelles seul l’élément moteur avant était disposé sous forme de truck mobile et dont les cylindres se situaient à l’avant des essieux entrainés, les locomotives de construction Günther-Meyer présentaient deux trucks mobiles formant bogie et motorisés par des cylindres disposés face à face au centre de la machine.
Formant la catégorie IV K, les nouvelles locomotives étaient des machines à quatre cylindres à double expansion, mais à vapeur saturée. Les cylindres à haute pression entrainaient les deux essieux du bogie arrière et les cylindres à basse pression entrainaient les deux essieux du bogie avant. Par rapport à la conception Mallet, les machines Meyer présentaient l’avantage de posséder des conduites de transmission de vapeur plus courtes entre les étages à haute et basse pression ainsi qu’une meilleure inscription en courbe. Les locomotives de la catégorie IV K engageaient les courbes de 40 m de rayon sans le moindre à-coup.
Les deux bogies étaient reliés mécaniquement par une tige dont le point de pivot se situait sous l’armature tubulaire. Le bogie arrière possédait un cadre extérieur. Cette conception était reprise des machines Mallet car elle permettait un meilleur accès aux boîtes d’essieux.
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Les locomotives de la catégorie IV K ont été mises en production entre 1892 et 1921, c’est-à-dire durant quasiment trente ans ! Avec 96 unités construites, elles représentent la plus abondante des séries de locomotives pour voie étroite construites en Allemagne. Malgré leur période de construction remarquablement longue, les machines connurent remarquablement peu de différences d’une livraison à l’autre.
Les premières livraisons par Hartmann intervinrent en 1892/1893. Cette première version de la machine fut produite jusqu’en 1904. Elle se caractérisait par une chaudière timbrée à 12 bars. La deuxième campagne de livraison eut lieu en 1908. Le timbre des chaudières fut alors porté à 14 bars. La troisième version fut livrée en 1909. Elle conservait le même timbre de chaudière que la précédente mais avait vu augmenter le volume des cylindres à basse pression. La quatrième et dernière version fut livrée à partir de 1912. Elle conserva les cylindres à basse pression de grand volume et vit son timbre de chaudière porté à 15 bars.
Ce sont au total 95 machines qui furent livrées avant le début de la première guerre mondiale. Elles furent numérotées 103 à 197. A l’issue de la première guerre mondiale, les locomotives 123, 139, 147, 148 et 174 restèrent sur les théâtres de guerre du Sud-Est où elles avaient été déplacées (Les Balkans). La 148, par exemple, tracta des trains d’approvisionnements à l’arrière du front des Carpathes. Modifiées pour l’écartement de 760 mm, elle resta en Roumanie. La 123 et une autre locomotive dont le numéro n’est pas connu restèrent en Hongrie et assurèrent selon certaines sources du service sur une ligne industrielle jusqu’en 1964.
Une dernière locomotive fut livrée en 1921, numérotée 198. La DRG intégra toutes les machines à l’exception des cinq restées dans les Balkans et les numérota BR 99 511 à 99 608 avec des trous dans la numérotation.
Le tableau suivant (sous forme de fichier pdf car le format tableau n'est pas pris en charge par le forum) reprend les correspondances entre numéros saxons et DRG:
Les plages de numéros DRG 99 547 à 99 550, 99 559, 99 560 et 99 580 restèrent inutilisées.
D’autres locomotives IV K furent perdues par l’Allemagne à l’issue de la deuxième guerre mondiale. Les BR 99 518, 521, 531 et 557 avaient été déplacées en Union Soviétique occupée. La BR 99 531 y fut détruite au cours d’un bombardement. Les trois autres y demeurèrent après 1945. La BR 99 546 fut remise à l’Union Soviétique en 1946 au titre des réparations de guerre avec tout le matériel de la ligne Taubenheim – Dürrennersdorf. Elle fut mise en service dans l’ouest de l’Ukraine où elle resta affectée jusqu’en 1957.
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Le cahier des charges des locomotives numéros 103 à 140 (les machines timbrées à 12 bars) présentait les caractéristiques suivantes : Les machines devaient tracter 155t à leur vitesse maximale de 30 km/h en rampe de 10‰. Elles devaient tracter 120t à 20 km/h en rampe de 16,67‰ et 75t à la même vitesse en rampe de 25‰.
Les machines à partir du numéro 141 (avec la chaudière à 14 bars) étaient plus puissantes : elles enlevaient 170t à 30 km/h en rampe de 10‰, 130t à 20 km/h en rampe 16,67‰ et 75t à 10 km/h en rampe de 33,3‰.
Comme énoncé plus haut, les différences entre les différentes séries de livraisons étaient mineures. La chaudière, longue de 3500 mm entre les plaques tubulaires, était identique sur toutes les machines.
Le toit de l’abri des machines 103 à 116 était plat. Les parois latérales étaient juste percées d’un orifice permettant l’accès à l’abri. A partir du numéro 117 (1894), le toit de l’abri fut équipé d’un aérateur et l’orifice fut agrandi vers l’avant à hauteur des caisses à eau et équipé d’une porte afin d’offrir au personnel de conduite une meilleure visibilité latérale.
A partir du numéro 138, les soupapes de sécurité Ramsbottom furent remplacées par des soupapes Pop. A partir du numéro 158 (1910), les machines furent équipées de freins à vide Körting à la fois pour le freinage des locomotives et du matériel tracté. Précédemment, le freinage se faisait à l’aide de freins à vapeur sur le bogie avant et de freins manuels sur le bogie arrière. Toutes les locomotives de la série étaient équipées de conduites de freins Heberlein pour le freinage du matériel tracté.
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Après la deuxième guerre mondiale, la DR Est-allemande récupéra encore 57 locomotives IV K en état de marche. A l’exception des machines déplacées par les guerres, les locomotives IV K avaient jusque là effectué l’ensemble de leur service sur les lignes à voie étroite de Saxe où elles avaient fonctionné sans le moindre problème.
A partir de 1950, certaines machines furent appelées en renfort hors de leur territoire d’origine. Le chemin de fer local de Prignitz reçut en exploitation les machines 99 557, 99 576 et 99 593.
Les lignes de l’île de Rügen, également rattachées à la DR en 1949 et dont le parc moteur avait beaucoup souffert, reçurent neuf locomotives IV K : les BR 99 545, 552, 553, 556, 567, 570, 587, 595 et 604. Elles furent à cet effet équipées de freins à air comprimé de modèle Knorr. Les réservoirs d’air comprimé (deux principaux et un auxiliaire) furent installés sur le sommet du corps cylindrique de la chaudière devant le dôme de vapeur, faute de pouvoir les installer ailleurs. Six de ces neuf locomotives furent radiées en 1967. La BR 99 604 fut vendue en 1970 à la société allemande de préservation du matériel ferroviaire, en République Fédérale.
Une grande partie des locomotives IV K est restée en service plus longtemps que les machines V K et VI K conçues après elles.
Bien que le réseau à voies étroites saxon se réduisît considérablement avec le temps, la DR ne pouvait pas se passer des locomotives IV K. De ce fait, elle entreprit en 1962 de leur faire subir une grande révision générale. Les travaux consistaient notamment à remplacer les chaudières par de nouveaux modèles soudés. Les châssis de certaines machines furent également reconstruits.
Les dômes de vapeur furent remaniés et dotés de couvercles plats portant des soupapes de sureté de chaudières de type Ackermann. La sablière arrière et le petit dôme d'alimentation à l’avant furent enlevés. A la place de celui-ci, l’on installa des vannes d’alimentation qui alimentaient directement la chaudière à partir des caisses à eau.
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En 1983, plus de 80 ans après leur mise en service, les locomotives de la catégorie IV K demeuraient incontournables, même si leur affectation s’était réduite à deux lignes : Wolkenstein – Jöhstadt et Oschatz – Kemmlitz. A cette époque, l’une des machines, la BR 99 535, précédemment numéro 128, sortie d’usine en 1898 sous le numéro 2276 avait déjà trouvé sa place au musée des transports de Dresde.
La BR 99 534 fut érigée en monument à Geyer, dans les Monts Métalliques. La BR 99 539 fut affectée à des activités touristiques sur la ligne Radebeul – Ost-Radeburg et la BR 99 581 fut érigée en monument à Kirchberg, en Saxe. Enfin, la BR 99 604 devint la propriété du musée des chemins de fer Rhin-Neckar de la DGEG à Viernheim près de Heidelberg avant de rejoindre à son tour la ligne de Radebeul.
A ce jour 22 locomotives saxonnes IV K ont été préservées, dont plusieurs sont en état de marche. En voici la liste :
99 516 – Ligne musée de Schönheid (en état de marche)
99 534 – Monument à Geyer
99 535 – Au musée des transports de Dresde
99 539 – Sur le chemin de fer touristique de Radebeul
99 542 – Sur le Preßnitzbahn (en état de marche)
99 555 – Sur les lignes de Zittau (en état de marche)
99 561 – Association Wilder Roberts
99 562 – Au musée des locomotives à vapeur de Neuenmarkt-Wirsberg
99 564 – Société saxonne de préservation des chemins de fer
99 566 – Musée saxon des chemins de fer à Chemnitz
99 568 – Sur le Preßnitzbahn (en état de marche)
99 574 – Sur le Döllnitzbahn (en état de marche)
99 579 – Au musée des chemins de fer à voie étroite de Rittersgrün
99 582 – Au musée de Schönheide (en état de marche)
99 584 – Sur le Döllnitzbahn
99 585 – Sur la ligne musée de Schönheide
99 586 – Sur le chemin de fer touristique de Radebeul (en état de marche)
99 590 – Sur le Preßnitzbahn (en état de marche)
99 594 – Propriété privée dans l’île de Rügen
99 604 – Au musée de Radebeul
99 606 – Société saxonne de préservation des chemins de fer
99 608 – Société saxonne de préservation des chemins de fer (en état de marche)
Plus étonnant est que l’une des machines IV K fut acheminée au VES-M de Halle (Centre technique d’étude et de recherche des machines de la DR) afin d’être étudiées en détail. Ses performances et sa conception technique furent décortiquées dans le but de perfectionner le cahier des charges devant mener à la construction des nouvelles locomotives diesel pour voies étroites des la classe V 36 K. Les deux machines prototypes de cette classe furent mises en essais comparatifs en 1961, ce qui était chose peu courante pour du matériel à écartement étroit.
Les résultats obtenus ne furent cependant pas comparables car, en raison du profil des lignes et de la fréquence des arrêts, il fut impossible de trouver de conditions d’équilibre de fonctionnement comparables entre les deux types de machines.
Le VES-M envisagea également un temps une remise en construction des IV K et fit procéder à cet effet, du 16 avril au 4 mai 1962, à des tests avec la BR 99 585 sur la ligne Freital – Hainsberg – Kurort Kipsdorf. Une machine de la série 99
77 fut utilisée comme locomotive de freinage, alternativement avec des voitures de voyageurs KB 4 équipées de freins manuels. L’analyse des résultats des tests permit d’établir, plus de 50 ans après sa mise en service, un diagramme thermodynamique complet de la machine, qui valait pour toutes les IV K équipées de chaudières timbrées à15 bars.
Catégorie : B’B’n4v
Distribution : K 44.7 (BR 99 586 à 588 et 595 à 608 : K 44.8)
Diamètre des roues motrices : 760 mm
Longueur hors tampons : 9000 mm
Empattement : 6200 mm
Poids total en service : 26,6t à 29,6t
Vitesse maxi : 30 km/h
Fabricant : Hartmann
Première mise en service : 1891
Tender : 1,02t de charbon
Nombre total construit : 96
Nombre intégré à la DRG : 91
Numérotation : 99 511 à 99 608 (numérotation non continue)
Dates de réforme : en service
- BR 99 589, ex sä. IV K numéro 179 (Hartmann 3669/1913)
BR 99 1564-6 (numérotation EDV) – ex BR 99 564, ex sä. IV K numéro 154 (Hartmann 3217/1909) – Locomotive après révision générale par la DR.
BR 99 516 – ex sä IV K numéro 108. Machine en service