L'histoire de la traction électrique est pratiquement aussi ancienne que celle des chemins de fer. Il m'a semblé intéressant de consacrer quelques lignes à son évocation.
B) Le développement de la locomotive électrique – Aperçu historique
a) Les premières recherchesC’est au cours de l’Exposition des Techniques et du Commerce se tenant à Berlin que l’on put voir rouler à partir du 31 mai 1879 l’une des toutes premières locomotives électriques qui fût à la fois suffisamment fonctionnelle et puissante que pour pouvoir tracter des voyageurs.
Construite par la société Siemens et Halske sur les plans de Werner Von Siemens lui-même, la locomotive tractait, sur un circuit fermé de 300 m, trois voitures emportant chacune six passagers.
Jusqu’à la fermeture de l’exposition le 30 septembre 1879, la machine qui fonctionna quotidiennement sans aucune panne transporta un total de 85000 voyageurs, démontrant ainsi la pertinence de la traction électrique pour le transport ferroviaire.
Chemin de fer électrique Siemens et Halske en service au cours de l’exposition des techniques et du commerce – Berlin 1879
Les premières tentatives d’utilisation de l’énergie électrique pour la propulsion d’un véhicule sur rails remontaient cependant à 1835 ! C’est en effet au cours d’une exposition se tenant à Springfield, Massachussetts (USA) qu’un forgeron nommé Thomas Davenport, originaire de Williamstown dans le Vermont, présenta un modèle de véhicule électrique de sa construction. Présenté ensuite à Londres en 1838 sur un petit circuit ovale, alimenté par batterie via les rails, le véhicule atteignit la vitesse de 2 miles/h.
D’autres essais eurent lieu en Europe à la même période : citons ceux des ingénieurs Becker et Stratingh à Groningen et Botto à Turin.
Entre 1838 et 1842, l’Ecossais Robert Davidson d’Aberdeen construisit un engin de seize pieds de long pour un poids de 5t qui fut essayé sur la ligne reliant Edimbourg à Glasgow. Au crochet d’un train de 6t, la locomotive électrique – car c’est bien de cela qu’il s’agissait déjà – atteignit la vitesse de 4 miles/h. La presse titra sur la disparition prochaine des locomotives à vapeur. Craignant une remise en question des infrastructures d’exploitation des locomotives à vapeur, les compagnies s’empressèrent d’étouffer le succès de la machine de Davidson. Elle fut rapidement ferraillée.
En Allemagne, Johann P. Wagner, l’inventeur du « Marteau de Wagner » (le principe de la sonnette électrique), déposa le 22 avril 1842 devant le parlement allemand de Francfort (Main) la somme de 100.000 florins pour qui développerait la construction d’une locomotive électrique. Aucun projet satisfaisant n’ayant été présenté, l’offre fut cloturée en 1864.
Le congrès américain approuva en 1850 l’attribution de crédits au professeur C.G.Page pour la construction d’une locomotive électrique dont la mécanique d’entrainement reprenait celle d’une locomotive à vapeur. Des aimants creux faisaient office de cylindres au sein desquels la tige de piston suivait le même mouvement que sur une locomotive à vapeur. Les essais débutèrent le 29 avril 1859 sur un tronçon de ligne long de 7,5 km entre Washington DC et Bladensburg, sur le réseau de la compagnie Baltimore et Ohio. Développant une puissance de 11,8 kW, l’engin parcourut 5 miles en 39 minutes. Mais faute de crédits supplémentaires, l’expérience ne fut pas poursuivie.
Le point commun de tous ces essais était l’alimentation électrique par batteries embarquées sur les véhicules eux-mêmes. Pour cette raison, la puissance et les capacités des engins étaient limitées et les accumulateurs furent jugés être une source d’énergie insuffisante à des fins de propulsion.
Dès 1851, Farmer et Hall en Angleterre proposèrent de créer des stations d’alimentation électrique fixes et d’amener le courant aux engins via des fils ou par les rails. Un brevet de ligne aérienne pour l’alimentation électrique des chemins de fer fut déposé à Vienne en 1855 par le Major Alessandro Bessolo.
Cependant, jusqu’à l’ouverture de l’exposition de Berlin et son train-attraction, plus aucune recherche remarquable n’eut lieu concernant la traction électrique.
C’est la découverte du principe de la dynamo par Siemens en 1866 et ses traductions techniques par l’Anglais Wilde en 1868 et le Belge Gramme en 1869 qui, révolutionnant la production d’électricité, relancèrent les recherches. Un site d’extraction de lignite existant à une douzaine de km de Berlin, l’on y construisit l’une des premières centrales électriques. L’électricité fut acheminée par câbles jusqu’à Berlin où elle servit notamment aux premières industries exploitant l’électrochimie.
Lors de l’exposition universelle de Paris en 1867, Siemens présenta dans les détails les premiers plans d’un véhicule électrique sur rails. Il lui faudrait cependant attendre encore dix ans avant de pouvoir les concrétiser. Il expérimenta dans une mine le prototype de la locomotive qu’il allait présenter à Berlin l’année suivante.