Avant que la "dieselisation" puis l'électrification ne l'emportent définitivement, la DB a - comme d'autres compagnies à la même époque - encore un temps cru en la traction vapeur et a poursuivi le développement de nouvelles machines jusqu'à la fin des années 1950.
En voici une petite revue qui suivra la chronologie des mises en construction.
1) BR 82 - 1949
En raison du déclenchement de la deuxième guerre mondiale, la DR(G) n’avait pas pu mettre en construction de locomotives à cinq essieux accouplés à destination du triage lourd des marchandises.
De ce fait, à la sortie de la guerre, l’on ne disposait pour ce type de service que des machines encore originaires des anciennes compagnies royales comme les prussiennes pr. T 16 (BR 942-4) et T 161 (BR 945-17), les wurtembergeoises wü Tn (BR 941) et les saxonnes sä XI HT (BR 9419-21) – toutes machines que nous avons passées en revue au sein de la petite histoire de la DRG.
Toutes ces machines souffraient du même défaut : de très mauvais comportements en marche au dessus de 40 km/h qui leur interdisaient quasiment toute opération en ligne.
Le comité des locomotives de la DR(G) s’était réuni à ce propos dès 1939 et avait pris la décision pour le remplacement des locomotives des anciens états de faire mettre en construction deux séries de locomotives-tender unifiées : une locomotive de ligne à la distribution d’essieux 1’E1’ devant former la future série 83, et une locomotive à la distribution d’essieux E à destination des opérations de triage.
La guerre, nous l’avons vu, en empêcha l’exécution.
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Le comité des locomotives de la toute jeune DB se réunit en 1949 pour la même raison, faisant face au même problème toujours non résolu. Il devait notamment statuer sur la décision de faire mettre en construction une locomotive qui serait apte à la fois aux services de ligne et de triage.
La réunion de ces deux capacités de service au sein d’une même machine était contradictoire en elle-même car la chaudière devait être capable de fonctionner à la fois de manière sporadique en subissant d’importantes variations de charge en service de triage tout en étant capable de tenir en ligne au pic de sa puissance sans surcharger la plaque tubulaire de boîte à fumée.
Il fallait d’autre part développer un nouveau type d’entrainement qui fût mieux adapté que celui des locomotives des anciens états.
Pour le service de triage, l’on pouvait se dispenser d’essieux porteurs. Pour le service en ligne, il était nécessaire de répartir l’effort de traction sur un nombre suffisant d’essieux accouplés. Et les essieux porteurs semblaient nécessaires à une meilleure inscription en courbe.
Cependant, les problèmes d’entrainement avaient trouvé une solution expérimentale avec l’installation sur les machines de la série 945-17 (ex pr.T 161) de leviers orientables (les leviers « Beugniot ») reliant les premier et deuxième essieux accouplés.
La réduction d’un tiers des forces appliquées à l’essieu moteur obtenue par rapport à une configuration d’essieux fixés au cadre fut décisive dans la décision d’adopter pour la nouvelle locomotive une disposition de cinq essieux accouplés sans essieux porteurs. Enfin, les progrès développés dans la fabrication de chaudières soudées apportaient la possibilité de construire une surface de chauffe à fort rayonnement adaptable aux deux types de service.
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La BR 82 fut ainsi la première série de machines du nouveau programme d’unification de la DB. Elle servit donc de base expérimentale à la formulation par Friedrich Witte des principes de base retenus pour la construction des nouvelles locomotives à vapeur qui allaient être mis en application avec la construction de la série 23.
C’est avec la BR 82 que fut inaugurée l’utilisation de cadres en tôles entièrement soudées, caractéristique des nouvelles constructions d’après guerre. Etaient également nouveaux les régulateurs à vapeur surchauffée, les tiroirs cylindriques à by-pass sans ressort de type Müller, l’absence de sablière centrale et son remplacement par des sablières latérales situées sous les caisses à eau.
La conception du train de roulement était également remarquable : Seul l’essieu moteur (dans ce cas, le troisième) était fixé au cadre. Les deux essieux accouplés avant et les deux essieux accouplés arrière étaient assemblés par paire sous forme de « bogies » Beugniot. La déflection en courbe des deux essieux extrêmes se transmettait aux essieux adjacents via des leviers orientables au pivot fixé au cadre. L’entrée en courbe du premier essieu permettait ainsi à l’essieu suivant d’en suivre parfaitement l’inscription.
Le choix des dimensions des cylindres fut plus problématique. Pour développer un grand effort de traction ou de pousse à faible vitesse, caractéristiques du service de triage, il fallait des cylindres de petit diamètre. A l’inverse, pour le service en ligne, une bonne utilisation de l’expansion de la vapeur demandait des cylindres de grand diamètre.
Friedrich Witte se résolut à un compromis qui favorisait un peu plus le service en ligne ; service qu’il prévoyait être le plus fréquent pour les machines. Les cylindres reçurent un alésage de 600 mm et une course de 660 mm.
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La série 82 fut mise à l’étude par un consortium résultant de l’association de la plupart des fabricants de locomotives allemands, épaulé par la Direction Centrale des Chemins de Fer de la DB, et produite à 41 exemplaires entre 1950 et 1955 par les firmes Henschel, Krupp et Esslingen.
Les machines 82 001 à 82 022 furent construites par Krupp ; les 82 023 à 82 032 par Henschel et les 82 033 à 82 041 par Esslingen. Les machines 82 001 à 82 037 furent toutes livrées entre 1950 et 1951. Elles ne furent pas livrées dans l’ordre de leur numérotation. Enfin, les 82 038 à 82 041 provinrent d’une remise en commande en 1955.
Les premières machines, 82 023 à 82 025, furent livrées par Henschel au dépôt de Siegen en octobre 1950 en même temps que les 82 026 à 82 028 au dépôt de Ratingen West, tous deux dépendant de la Direction de Wuppertal.
Krupp livra des machines en novembre et décembre 1950 aux dépôts de Brême Walle, Soest et Hamm. Krupp livra ensuite en 1951 les 82 009 à 82 022 au dépôt de Wilhelmsburg dépendant de la Direction de Hambourg.
Le programme de performances des machines leur demandait de pouvoir tracter 800t à 70 km/h sur le plat et 400t à 40 km/h en rampe de 10‰.
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Tout comme sur la nouvelle série 23, les machines de la série 82 présentaient des différences entre elles, notamment dans le type d’alimentation des chaudières. A côté de machines avec deux éjecteurs à vapeur, l’on trouvait des machines équipées de réchauffeurs de surface de type Knorr et pompe d’alimentation à piston KT1 et des machines équipées de réchauffeurs-mélangeurs Henschel MVT.
Les locomotives 82 001 à 82 037 avaient un système de ventilation sur le toit de la cabine de conduite; les 82 038 à 82 041 avaient un toit cintré et des portes de cabine en angle. En outre, les 82 040 et 82 041 étaient équipées de freins à contre pression Riggenbach. Ces deux dernières machines assurèrent du service sur la ligne Freudenstadt – Klosterreichenbach, dans la Forêt Noire jusqu’à leur remplacement par les locomotives diesel V 100-20 (renumérotées ensuite comme série 213).
Un premier bilan des performances de la série 82 fut présenté au cours de la sixième rencontre des directeurs des services de promotion du chemin de fer de la DB qui se tint à Lindau du 19 au 22 juin 1951.A cette occasion, la supériorité des performances de la série 82 par rapport à celles de la série 945-17 (ex pr. T161) fut reconnue sans contestation.
En rampe de 5‰ au sein des installations portuaires de Brême, les machines tractaient 1800t avec une résistance au roulement de 7 kg/t. Sur le réseau urbain de Hambourg, ce sont 1000t qui étaient tractées sans difficulté avec une résistance au roulement de 13 kg/t.
Cependant, les BR 82 consommaient davantage que les BR 945-17. Mesurée au sein des dépôts de Brême-Walle et Hambourg-Wilhelmsburg, où les machines effectuaient la majeure partie de leur service de triage, la consommation de charbon était supérieure de 10 à 19% pour 1000 km par locomotive.
En service de ligne au sein de la Direction de Essen (dépôts de Soest et de Hamm), l’on atteignait les 30%.
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Plusieurs défauts furent mis en lumière et rapportés à la Direction Centrale des Chemins de Fer de Minden : des bris de conduites de lubrification des bogies Beugniot, des tuyaux trop étroit entre les deux caisses à eau, des pompes d’injection Henschel fonctionnant mal et les fuites habituelles sur les régulateurs à vapeur surchauffée.
Après seulement vingt ans de service, la série 82 avait à peu près déjà disparu des lignes de la DB. Les ateliers et dépôts accumulaient les doléances quant aux dépôts de particules résultant d’une usure rapide du système de leviers directionnels. Dès 1966, deux premières machines étaient mises hors service. Au printemps 1972, la dernière des BR 82 était radiée au dépôt de Mosel alors qu’à la même époque, 30 locomotives de la série 945-17 assuraient encore du service quotidien !
La 82 008 a été préservée comme monument devant la gare de Lingen/Emsland puis restaurée en état de marche au musée de Siegen.
Catégorie : E h2
Distribution : Gt 55.18
Diamètre des roues motrices : 1400 mm
Longueur hors tampons : 14060 mm
Empattement : 6600 mm
Poids total en service : 91,8t
Vitesse maxi : 70 km/h
Fabricant : Henschel, Krupp, Esslingen
Première mise en service : 1950
Tender : 4t de charbon
Nombre total construit : 41
Nombre intégré à la DB : 41
Numérotation : 82 001 à 82 041
Dates de réforme : 1972
La BR 82 en modèle :
La machine a été abondamment reproduite à l’échelle H0 par piko :