LeRail a écrit:La première étape de ce drôle de travail consiste, en début de « chaîne », à désaccoupler les wagons au sein du faisceau R. Il s’agit tout simplement de vider les réservoirs à air des freins automatiques des wagons, de préparer les coupes en désaccouplant les boyaux de freins et en desserrant au maximum les attelages pour faciliter le décrochage ultérieur des wagons. Le train est alors prêt à être trié. Cette tâche est exécutée par un « démailleur », qui n’est autre qu’un agent de triage, Le triage proprement dit des wagons s’effectue par gravité via une butte de débranchement, communément appelée bosse, à deux voies, établie entre le faisceau R et le faisceau T. Cette butte a une hauteur de 3,825 m (quelle précision !), calculée pour donner aux wagons une vitesse suffisante afin de dégager rapidement la zone des premiers aiguillages et d’obtenir ainsi une cadence de triage élevée.
http://rixke.tassignon.be/local/cache-v ... -fadfe.jpgLes rames sont poussées à une vitesse de plus ou moins 4 km/h vers la butte où un autre agent de triage - appelé bâtonneur - décroche le tendeur du wagon à l’aide d’un bâton, sorte de petit tronc de sapin. Eh, oui, pas d’outils sophistiqués ici.
La troisième étape se déroule au poste de calage où officie notre collègue Raymond. Une fois décrochés, les wagons dévalent la butte. Pas question de les laisser à leur inertie, sous peine de dégâts ! Dans un premier temps, ces wagons sont freinés par quatre freins de voie électropneumatiques (un par faisceau de 8 voies), actionnés par le signaleur de la cabine.
Dans un deuxième temps, Raymond intervient en plaçant judicieusement un bloc d’arrêt, baptisé sabot d’enrayage, sur la voie.
Ce sabot, poussé par la rame, emprunte à un moment donné un rail échappatoire, tandis que la rame, freinée par lui, continue sa route pour rejoindre les autres wagons, Sur papier, tout paraît simple et enfantin.
Sur le terrain, que nenni ! Pas question de placer n’importe où ce fameux sabot ! Primo, Raymond dispose de renseignements sur la longueur du wagon, son tonnage, que sais-je encore ? Ceux-ci sont repris sur un bulletin de triage édité par ordinateur.
Secundo, il doit examiner l’état du rail : l’humidité l’a t-elle rendu glissant, gras ?
Tertio, il juge de la longueur de voie disponible sur laquelle doit être reçu le wagon. Par temps de brouillard ou de pluie, l’estimation est rendue difficile.
Enfin, à quelle vitesse arrive ce wagon à freiner ?
Il y a lieu de l’arrêter à temps, sinon il emboutirait ceux déjà stationnés mais il est hors de question de le freiner trop tôt car il entraverait la voie et comment faire alors pour le dégager ?
Voilà quelques facteurs qui doivent guider Raymond dans le choix de l’endroit où il doit placer le sabot.
Il n’a droit ni à l’erreur, ni à un second essai. Pensez donc, toute erreur se chiffre en plusieurs dizaines de milliers de francs de dégât.
source :
Le Rail mars 1991