La suite du développement des locomotives à courant continu nous fait repartir pour les Etats-Unis où, dès 1883, Leo Daft construisait pour le « Saratoga and Mount McGregor Railroad » une locomotive électrique de 2t à deux essieux développant une puissance de 8,8 kW. La machine fut baptisée « AMPERE ».
La machine n'est pas sans présenter une certaine ressemblance avec les premières automobiles expérimentales.
L’alimentation électrique se faisait par un troisième rail central. Le couple moteur était transmis aux essieux rigides par l’intermédiaire d’engrenages et de courroies. La locomotive tractait 10t à 14,4 km/h et était déjà freinée électriquement.
Deux ans plus tard, le même Daft construisait deux locomotives de 2,5t et 6 kW pour le tramway de Baltimore et une lourde machine de 10t à deux essieux, développant 55 kW pour le « New York Elevated Railroad », machine baptisée « Benjamin Franklin ». A l’instar des premières locomotives à vapeur, la machine avait un essieu moteur et un essieu porteur. Egalement alimentée par un troisième rail central, la locomotive roulait sous une tension continue de 250 à 300 V. La prise de courant se faisait par des petites roues jumelles en bronze.
La machine fut transformée en 1889 : sa puissance fut portée à 92 kW et ses deux essieux rendus moteurs. La transmission se faisait maintenant par le biais de roues à friction réglables reliant directement l’axe du moteur aux essieux. Avant sa transformation, la machine tractait deux à trois voitures Pullman à 30 km/h en rampe de 18‰. Après la transformation, ce sont huit voitures qui pouvaient être enlevées.
Thomas Edison, qui s’intéressait aux véhicules électriques depuis 1880 construisit en 1883, avec l’aide de D. Field, une locomotive électrique à deux essieux pour l’exposition universelle de Chicago. L’alimentation et le retour de courant se faisaient par les rails porteurs. Comme il était d’usage aux Etats Unis, la machine reçut un nom et fut appelée « Judge ».
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En Europe, l’ingénieur suisse René Thury fit construire par la société Meuron et Cuenod, future société Sécheron, une locomotive électrique à deux essieux pour un chemin de fer à crémaillère à Terriet, près de Montreux. La machine devait tracter un véhicule à quatre places pour atteindre un hôtel situé en altitude. En descente, le freinage de la locomotive devait être électrique.
La même année aux Etats-Unis était expérimentée la suspension « Tram » des moteurs. Par ce biais, le moteur de traction était monté à la fois sur l’essieu et sur le cadre. Cette disposition appelée « Moteur suspendu par le nez » fut appliquée aussi bien aux matériels de tramway qu’aux locomotives et est toujours d’actualité. Cette évolution conduisit à de nouveaux développements avec la suspension élastique. A la fin du 19ème siècle, le moteur à courant continu avait atteint sa forme moderne.
Les possibilités de commutation de l’époque limitaient par contre la tension applicable à 600 V et les puissances ne dépassaient pas 40 à 50 kW. Les moteurs continus d’aujourd’hui atteignent 1100 kW par essieu sous des tensions de 1500 V.
En 1885, Sprague construisit le premier moteur à double rapport d’engrenage et utilisa pour la première fois la commutation série-parallèle pour la régulation de vitesse. Ce dispositif offrait deux niveaux de vitesse sans utiliser de résistance primaire. La même année, l’on découvrait l’application du shuntage du champ pour le contrôle de la vitesse.
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C’est cependant à la ligne de métro londonienne reliant King William Street à Stockwell que revint en 1890, avec 16 machines à deux essieux, la première mise en service en nombre de locomotives électriques. D’une longueur de 4,27 m pour un poids de 9,32t, les locomotives développaient une puissance de 368 kW sous une tension de 500 V.
Conçues par Edward Hopkinson sur une mécanique Beyer-Peacock, les machines pouvaient rouler à 40 km/h haut le pied et tournaient en service au crochet de 40t à la vitesse de 22,4 km/h. L’alimentation électrique se faisait par un rail central. L’une de ces machines a été préservée et est aujourd’hui exposée au musée des sciences de Londres.